Je suis parfaite. Je suis parfaite pour cacher comment je vais. Je suis de celles qui ne se lamentent pas, qui, jour après jour, font les choses de la même façon. Je suis de celles qui sourient et exécutent les tâches qu’elles doivent faire. J’avance à tous les jours de la même façon ou presque. La vie devient routinière avec ses redondances quotidiennes. Alors que je garde le contrôle de mes humeurs, possiblement pour être en mesure de tempérer celles de ma progéniture, personne ne s’inquiète. Pourquoi est-ce qu’on s’inquiéterait pour moi ? J’ai appris à être comme ça. Forte, indépendance et en contrôle. Moi, j’écoute les autres crier, pleurer, se fâcher. Je vois les larmes, la détresse, la souffrance. Je réconforte, caresse, défends. J’entends les histoires, les blagues, les journées racontées par ceux qui m’entourent. Je suis celle-là.
Je comprends qu’on n’ait pas le réflexe de me demander en retour comment je vais. Je comprends que je contribue à ce qu’on suppose que tout va bien avec mon air parfait. J’accepte d’avoir monté moi-même cette forteresse émotionnelle qui fait en sorte que vous avez tous pris pour acquis que tout allait bien. Parce que je le dis souvent, pour tenter de me convaincre. Me convaincre que tout va bien. Alors que plus rien ne va.
Je voudrais vous le dire aujourd’hui. Ça ne va pas. Je voudrais vous le dire, mais ça ne sort pas. Et même si je devrais en parler, je continue de le taire. Je suis là, avec mon regard souffrant, et j’attends. J’attends que vous me demandiez comment je vais, j’attends que vous vous souciiez de moi. J’attends que vous compreniez que j’ai besoin de temps. De temps pour moi. Que j’aurais des choses à dire, à crier, à évacuer.
J’aimerais que vous compreniez que je ne suis pas une superwoman sans que je sois obligée de vous le dire. J’aimerais que les autres soient capables de faire pour moi ce que je fais pour eux. Être avenant, prévoyant. Juste poser la question de façon sincère. Pas un « Comment ça va ? » sur le pas de la porte. Pas un « Ça va-tu ? » pressé qui insinue que je dois répondre oui pour que la discussion se termine rapidement. Non. J’attends le “Parle-moi de toi”. J’attends que vous me demandiez comment je me sens. J’attends de sentir que ça vous importe vraiment de le savoir.
Il y a des jours où tout pèse lourd. Des nuits blanches tourmentées, des larmes qui coulent dans la salle de bain. Il y a des moments où je rage par en dedans quand les enfants se chicanent, montent le ton et n’écoutent pas. Je ne vais pas toujours bien. Parfois, mon mal-être s’étend sur une semaine. Une semaine à avoir l’estomac noué. Comment ne pas voir. Comment ne pas remarquer que j’ai pris seulement deux bouchées dans mon assiette au souper ? Comment ne pas remarquer que j’ai fait répéter la question trois fois avant de répondre ? Comment ne pas remarquer mon esprit qui vagabonde, mon regard absent ? Comment ne pas remarquer que je ne dors plus, que je ne ris plus, que je ne parle presque plus.
Mais on ne remarque pas ces choses-là quand on est trop occupé à parler de soi-même.
Alors j’écoute. Avec ouverture et empathie, je comprends. Je tente de conseiller, de supporter et d’aider. Je fais mon possible pour soutenir et recoller les morceaux défaits des autres pendant que je me brise de plus en plus en dedans. Je fais exactement ce dont on s’attend de moi avec l’espoir que cela me revienne en retour.
Je sais que je devrais parler. Que je dois nommer mes besoins. Que je suis responsable de demander de l’aide, d’indiquer avec des mots que j’aimerais qu’on m’écoute. Mais je ne le fais pas. Pas encore. Je me dis que ça viendra. Un jour, je le dirai. Mais en attendant, je reste là. Le temps passe et je finis par aller mieux.
Il s’en est passé plus d’un moment où ça n’allait pas. Juste là, sous votre nez. Des moments souffrants que personne n’a remarqués.
Ma souffrance invisible. Je suis parfaite. Parfaitement mal dans ma peau, dans ma vie, dans ma tête.
Et j’aimerais ça qu’on me demande, sincèrement, pour de vrai, comment je vais.
Les trois dernières lignes me ressemble tellement, on dirais que je les ai mis sur papier. Je me dis que mes enfants sont encore jeune, un jour, bientôt, peut-être que je pourrai penser à moi et seulement moi. Un jour peut-être….
J’aurais pu écrire ce texte tellement c’est mon cas en ce moment! Merci de mettre des mots sur ce que je vis et d’autres peut vivre en ce moment. 🙂
J’ai dit exactement ça hier, j’ai dit que je savais qu’il fallait que je demande de l’aide (de professionnels), mais que ça ne sort pas…J’ai toujours tout contrôlé, j’ai l’impression qu’il y aurait tellement de choses à expliquer, qu’il faudrait que je commence mon histoire de si loin que les mots s’ettouffent avant que je les prenonce. Je suis parfaite…mais le problème de la perfection, c’est réussir à le rester. Et quand tu as reussi a convaincre tout ton entourage que tu es Super Woman, plus personne ne voit tes signaux d’alarme…
« Ben voyons, arrête de t’en faire, tu réussis toujours tout ce que tu entreprendras…j’ai confiance en toi, t’es capable! »
Alors tu réponds « Oui, j’imagine… »
Tellement moi… il y a 5 ans environ . Quand tu te sens briser mais que tu ne de donne pas le droite de parler de tes émotion. Parce que tu te dit que tu n’as pas le droite que tu doit toujours paraîte forte face à tes enfants, face à ta famille. Il ne faut pas gardez tout en dedans et je l’ai compris quand le barrage pour gardez mes emotion enfermé à lachez.
Comment tu vas ? Pour vrai …
Wow…tellement ce que je resssens en ce moment et depuis longtemps….
Jimagine qu un jour ca sortira
..peut etre tout croche, peut etre mal.. peut etre au mauvais moment…mais je ne sais pas comment le sortir…
Merci pour ces mots….
Ce texte est tellement moi y’a un an avant que ça n’aille plus du tout et que je sombre.
Marie-Ève Baillargeon, je ne suis pas mère au foyer ce qui fait que je ne puisse comprendre la pleine mesure de tes états d’âme. Je comprends toutefois ce que tu essaies, assez bien d’ailleurs, de sonner l’alerte. La question la plus vide de sens est a mon avis: « Bonjour! Ça va bien? » Question s’il en est purement d’introduction et qu’aucun voudrait répondre: « Ça va bien! » Alors que non! Ça ne va pas du tout. Je hais cette question a un point tel que jamais je ne la prononce et si je suis vraiment intéressé, ce sera adressé a quelqu’un dont j’aurai un intérêt non pas superficiel mais humainement vrai. Prise comme marteau et enclume, entre une table et une armoire…Jean Ferrat…tu connais? On ne voit pas le temps passer. Vieille chanson, c’est vrai mais qui dit tellement.
Que tu sois parvenue a mettre sur papier tout ce que tu ressens, est déja un signe encourageant. Et tu le décris de manière très articulée. Alors prends toi un cahier et écris. c’est un exutoire de grande valeur. Tes écrits ne te renverront pas « Bonjour ça va bien? »
Un point de vue masculin.