Aujourd’hui, je suis trop fatiguée pour être une mère.
Plutôt que de me taper la routine du matin, d’éponger des dégâts de lait, de nettoyer des becs tachés de confiture et de préparer des lunchs en série, je voudrais dormir jusqu’à ce que le soleil se couche. Je voudrais fermer les yeux et ne plus les ouvrir avant quatre heures de l’après-midi. Je voudrais complètement perdre la notion du temps sans craindre d’être en retard quelque part et sans que la culpabilité cogne à ma porte pour me rappeler toutes les tâches que je repousse.
Aujourd’hui, je suis trop fatiguée pour être une mère.
Plutôt que d’aller travailler, j’aimerais lire toute la journée. Ouvrir les soixante-quinze romans qui font la queue sur ma table de chevet dans l’attente vaine d’être parcourus. Me plonger dans l’histoire des autres sans être interrompue toutes les cinq minutes par des petites voix qui réclament une collation et me somment de venir essuyer leurs fesses.
Aujourd’hui, je suis trop fatiguée pour être une mère.
Plutôt que d’aller chercher les enfants à la fin de la journée, je voudrais me caler dans un bain chaud avec des chandelles qui sentent bon, de la musique zen qui détend et un verre de vin blanc qui suinte tant il est froid. Je voudrais que la quiétude du moment se propage dans mes veines, ralentisse les battements de mon cœur qui court toujours trop vite et vide ma tête de toute ses listes de tâches qui virevoltent à l’infini, nuit et jour.
Aujourd’hui, je suis trop fatiguée pour être une mère.
Plutôt que de préparer le souper en gérant les devoirs, la vaisselle sale qui s’accumule et les chicanes, j’aimerais faire du divan du salon ma résidence secondaire et y passer des heures à écouter des téléséries à la chaîne en m’empiffrant de popcorn, de pizza, de chocolat et de tout ce qui me fait envie sans jamais devoir monter le son, peser sur « stop » ou revenir en arrière parce que les enfants font trop de bruit.
Aujourd’hui, je suis trop fatiguée pour être une mère.
Plutôt que de me coucher à neuf heures, complètement vidée, je voudrais passer la soirée à boire du champagne en regardant mon chum dans le blanc des yeux sans craindre que le temps qui passe use ma patience et ma bonne humeur avec les petits le matin venu. Je voudrais profiter du moment comme s’il m’appartenait à jamais, le temps figé pour toujours.
Aujourd’hui, je suis trop fatiguée pour être une mère.
Plutôt que de divertir les enfants et de les conduire à leurs trop nombreux cours une fois la fin de semaine venue, j’aimerais acheter un billet d’avion sur un coup de tête et m’envoler vers le Sud où mes seules préoccupations seraient de choisir la saveur de mon prochain cocktail, à quel restaurant j’irais souper et si je préférais la plage à la piscine.
Aujourd’hui, je suis trop fatiguée pour être une mère.
J’ai désespérément besoin de temps pour reprendre des forces et retrouver mon cocon, mon couple, mes amies, la femme que j’étais avant d’être ensevelie sous les responsabilités parentales et un peu de la légèreté et de la liberté qui m’habitaient avant d’être mère.
Aujourd’hui, je suis trop fatiguée pour être une mère.
Mais la maternité n’attend pas que les mamans reprennent leur souffle. C’est elles qui doivent s’aimer assez fort pour appuyer sur « pause » quand l’air commence à manquer et repousser la culpabilité malsaine qui s’invite lorsqu’elles se font passer en premier.
Aujourd’hui, je suis trop fatiguée pour être une mère et ça n’a rien d’épouvantable.
Malgré le jugement des autres et celui que je me porte, cela ne fait pas de moi une mauvaise mère mais un être humain.
Cela fait de moi une femme qui a trop longtemps oublié qu’elle doit prendre soin d’elle aussi fort qu’elle prend soin des autres.
« Pause ».
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