Cher papa, chère maman qui s’est séparé et qui vient de retrouver l’amour,
Je sais que tu as vécu des moments difficiles dans les dernières années. Je comprends. Votre séparation n’a pas été facile et tu ne pensais pas retrouver l’amour aussi tôt. Ton regard brille. Tu rayonnes de bonheur. C’est important et ça fait du bien de voir nos parents heureux et souriants. Je trouve ça vraiment génial. Tu as l’impression de t’accomplir et de recommencer ta vie à zéro. Et tu vois, c’est de ça qu’on doit jaser. Ta vie à zéro.
Ta vie comme si je n’avais jamais été voulu ou désiré. Ta vie comme si j’étais de trop. Ta vie comme si les enfants conçus dans ta relation précédente n’existaient plus. Ta vie comme si j’étais une valise trop lourde à porter. Ta vie où je te coûte trop cher de vêtements, de nourriture, de sports. Ta vie comme si tu ne voulais plus de moi. Ta vie qui serait donc bien plus simple si tu ne m’avais pas eu, si je n’avais jamais existé. Ta vie de laquelle tu m’effaces. Ta vie où je dérange.
Pourtant, j’ai déjà été la prunelle de tes yeux. J’étais la plus belle chose qui était arrivée dans ta vie. Tu aurais donné ta vie pour sauver la mienne. On célébrait presque tous mes moindres accomplissements en grande pompe. Tu participais à mes divers événements et tu étais fier de moi. On était une équipe.
Je sais bien, je grandis et je m’affirme de plus en plus. Je coûte beaucoup plus cher à nourrir et à habiller. Je réplique, je te défie, j’en fais un peu plus à ma tête. On se chicane plus souvent et je ne t’écoute pas autant que tu le voudrais. Ça ne veut pas dire que je n’ai pas besoin de toi. En fait, j’ai encore besoin de toi pour m’encadrer, être présent, pour me soutenir, m’encourager, m’aider à me définir. Je n’ai pas encore l’âge de prendre soin de moi par moi-même. Mais depuis un certain temps, tu n’es plus là.
Tu es dans ta bulle amoureuse. Ta bulle de couple. Ta bulle de bonheur symbiotique. Je ne cadre plus avec cette nouvelle famille que tu bâtis. Je ne suis plus l’enfant parfait que tu aimerais avoir. Tu me le dis assez souvent que je suis du trouble et que ça affecte ta relation amoureuse.
Je comprends que tu ne souhaites pas perdre cet amour que tu viens de trouver à cause de moi. Tu sais, je le vois ton bonheur, je le comprends. Mais j’aurais aimé faire partie de ta vie, recevoir tes attentions, que tu m’accordes de ton temps. J’ai l’impression que tu m’oublies, que je ne compte plus, que je suis un boulet que tu traînes.
J’ai essayé d’échanger et de discuter avec toi. Je n’ai pas encore les mots pour t’exprimer mes émotions. Ma rage était tellement forte que tu n’as pas su voir ma douleur et mes blessures. J’aurais aimé que tu m’entendes, que tu prennes le temps, que tu réalises que je souffre. Je suis encore ton enfant, ton petit amour, ton petit trésor..
Un jour viendra où ce temps perdu ne pourra plus être rattrapé. À ce moment, ne t’étonne pas si je disparais rapidement dans ma chambre, si je me cache derrière mon écran de tablette, si je ne réponds plus à tes marques d’affection, si je ne veux plus venir te voir aussi souvent.
On récolte ce qu’on sème, et quand on s’aime on n’abandonne pas ses enfants parce qu’on pense que ça va détruire notre nouvelle vie.
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