Je pourrais dire que quand vous n’êtes pas là, j’en profite pour vivre mon temps de qualité, penser à moi, m’accomplir, m’épanouir, me rapprocher de ce que je suis et être ce que je ne pouvais être auparavant, mais je mentirais. Le vrai temps de qualité, c’est celui que je vous consacre, celui que je vis à vos côtés, celui dont vous me faites cadeau quand vous me rendez témoin de votre évolution miraculeuse. Vous êtes mon activité préférée.
Je pourrais dire que je suis fatigué à cause de vous, que vous videz ma batterie. Vous êtes si faciles à blâmer et l’iniquité argumentaire ne vous laisse aucune perspective de victoire, mais je mentirais. Cette fatigue, je me la génère, je me l’impose de par mes actions, mes choix de vie. Vous êtes en fait le chargeur m’insufflant l’énergie verte et le carburant que vous extirpez de moi n’est qu’une émanation de positivisme absolu justifiant ma présence. Vous êtes ma photosynthèse.
Je pourrais dire que vous devez me tenir la main car c’est dangereux ici, que c’est pour vous protéger, mais je mentirais. En réalité, c’est votre proximité qui me sécurise, qui me ground, qui rend tangibles ces mots abstraits évoquant la douceur, l’affection et la paix. C’est vous qui m’aidez à traverser la rue, qui me faites regarder en avant et avancer aussi droit que possible. C’est vous qui balancez mes semelles su’a fesse, qui alignez mes pieds supportant ma carrosserie rouillée et qui m’indiquez le chemin. Vous êtes le GPS m’éloignant du cul-de-sac.
Je pourrais dire et me définir comme on se galvaude l’identité sur un site de rencontre. Me façonner aux yeux d’autrui en disant que je joue à du sport, que je touche à de la musique, que j’écris comme un auteur. Ou encore, que je travaille dans un domaine qui me ressemble, que je conduis une voiture à mon image, que la matière dont mes armoires sont construites reflète ma spiritualité, constater cet état de marketing social. Je pourrais poster la photo de ma face accoutrée d’une bouche en forme de sourire en attendant les like en guise d’amour cliquable, mais je mentirais. Sans vous, sans vos yeux, je n’existe pas, je ne suis rien. Un arc sans triomphe, une arche sans patrie. Vous êtes l’entrepreneur qui me bâtit.
Je pourrais vous dire d’accélérer le pas, que c’est trop long, que vous ralentissez le troupeau. Que nous n’atteindrons pas la destination dans l’ordre du temps que dictent les aiguilles immunisées contre la cancérigène heure de pointe, mais je mentirais. C’est moi qui n’ai plus le sens du rythme et qui me suis dénaturé, perdant conscience de mes sens. C’est moi qui ne vois plus la créative araignée qui tisse sa toile; qui ne touche plus du bout des doigts la texture du pétale majestueusement exhibé jusqu’à ce que sa fragilité capitule face à la rigueur de son cycle; qui n’entends plus le craquement des feuilles tapissant le sol dont s’emparera sans consentement le frimas; qui ne perçois plus l’odeur du pain frais dont l’enveloppant parfum berce les matins de sa tendreté; qui ne savoure plus le fruit dégoulinant de saveur et duquel s’écoule la vie. Ces leçons, vous me les mettez en pleine gueule sans même le vouloir. Vous êtes mon coach de vie.
Je pourrais dire que j’ai sacrifié, mais je mentirais de façon éhontée. En quoi est-ce un sacrifice de recevoir gratuitement cette affection unique dans un monde où l’amour est un luxe? D’être la référence naturelle à votre besoin de comprendre? D’être le gardien de votre vulnérabilité? D’être votre humble pilier au milieu de cette quête? Quel ailleurs pourrait être plus pertinent que le privilège d’être accueilli dans votre bulle? Vous êtes la relation me liant à ma plus profonde intériorité.
Je pourrais dire…en fait, je pourrais me taire et simplement vous observer en vous laissant être. J’ai beau être l’adulte, vous m’apprenez la bonne façon, la vraie, celle qui m’abandonna un jour attendant que la confiance établisse son ancrage, stabilisant l’être qui vacillait, l’être qui ne pouvait plus se mentir.
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