Cher enfant, j’ai l’impression que je t’ai trahi. Cher enfant, j’ai paradoxalement l’impression de t’avoir un peu sauvé la vie.
Tu m’as raconté tes histoires dans la plus grande confiance. Tu étais bien loin des contes de fées, des histoires de princesses et de fins heureuses.
À peine viens-tu d’entrer dans l’adolescence que tu me parles de « snif », de « p’tits bonbons » et de « peanuts » qui n’ont rien à voir avec celles dont je tartine le beurre sur ma toast tous les matins.
Tu m’as parlé d’échanges, de deals et de dettes alors que tu n’as pas encore l’âge d’avoir ton permis de conduire un scooter.
Tu m’as parlé de services qui n’ont rien à voir avec ceux que se rendent deux voisins ou deux amis. Tu m’as parlé de services que tu as faits déshabillé. Tu m’as parlé de services forcés.
Tu m’as dit que tu en avais assez. Tu m’as dit que tu étais dépassé. Ton visage d’enfant perdu m’a dit que tu voulais en finir avec ta vie. Quand j’ai voulu te projeter dans l’avenir, tu m’as tourné le dos. Quand j’ai voulu te faire un futur, tu m’as parlé de toi au passé.
Cher enfant, j’ai eu peur et j’ai toujours peur pour toi. La vie ne peut se jouer ainsi. Ta game n’est pas finie, tu peux encore tout changer, l’avenir t’appartient. Ton avenir, on l’a un peu mis dans mes mains. J’aurais souhaité avoir les mains d’un géant pour te sortir de ce néant, mais mes mains étaient beaucoup trop petites à elles seules pour te ramener au présent. J’ai dû abdiquer pour te sauver.
Cher enfant, aujourd’hui je t’ai trahi parce que je tiens à toi. Cher enfant, un jour peut-être, tu ne m’en voudras plus d’avoir fait mon premier signalement.
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