Je t’entends culpabiliser à des kilomètres à la ronde. Tu culpabilises en silence, à voix haute, avec tes amis ou avec ton chum. Tu culpabilises tellement que l’au-delà te réserve une place de choix pour avoir déjà confessé tes péchés. Depuis que t’as décidé d’enfanter, ce sentiment t’envahit constamment. T’analyses tout ce que tu fais de bien, de pas assez bien ou tout ce que tu ne fais pas, tout simplement. Et presque chaque jour de ta vie maintenant, t’angoisses de ne pas être aussi bien que la maman du coin et tu te convaincs toi-même que t’es une mauvaise mère.
Tu culpabilises de payer la petite gardienne pour s’occuper de tes enfants, histoire d’aller rafraîchir ta vie sociale, de partager un bon repas avec ton chum ou d’aller voir le nouveau spectacle de ton humoriste préféré. Tu te dis qu’ils vont s’ennuyer, que t’aurais dû rester. Pendant ce temps-là, quelque part dans le monde, la DPJ intervient dans des cas d’enfants abandonnés ou laissés sans surveillance pendant plusieurs heures. Mais t’as raison, t’es une mauvaise mère.
Tu culpabilises de lever le ton après ton plus jeune à qui tu répètes pour la dixième fois la même consigne. Consigne qui est pourtant claire, connue et constante pour chacun des membres de ta famille. Tu te dis que ta voix un peu haut perchée lui a fait peur et que par ta faute, il en gardera peut-être des séquelles. Pendant ce temps-là, quelque part dans le monde, il y a des enfants battus, abusés, qui se font crier des insultes et dénigrer par leurs propres parents. Mais t’as raison, t’es une mauvaise mère.
Tu culpabilises de pogner les nerfs pendant la période des devoirs. Parce que t’as ta journée dans le corps, que les devoirs tu t’en serais bien passée et parce que ton plus vieux préfère chialer qu’il est tanné au lieu de finir sa dictée. Ça fait que tu finis la soirée à te demander s’il aura assez étudié et si à cause de toi, il pourrait échouer son examen. Pendant ce temps-là, quelque part dans le monde, il y a des parents qui ne comprennent pas l’importance des devoirs et qui ne s’impliquent en rien dans la réussite scolaire de leur enfant. Mais t’as raison, t’es une mauvaise mère.
Tu culpabilises de ne pas faire assez de sorties tripantes avec eux la fin de semaine. T’aimerais pouvoir leur payer des journées dans un centre d’amusement, les emmener au zoo, acheter un forfait week-end au chalet. Sauf que ton budget est compté et tu préfères les activités où tu ne dois pas débourser. Tu te dis qu’à cause de toi, leur fin de semaine n’est pas tripante comme celle des autres enfants de leur âge. Pendant ce temps-là, quelque part dans le monde, il y a des enfants isolés, qui doivent apprendre à s’amuser seuls et à se fier sur eux même pour exister. Mais t’as raison, t’es une mauvaise mère.
Tu culpabilises parce que le vendredi soir tu décides de leur préparer un repas considéré comme non santé. Un Kraft Dinner pour commencer, des pogos pour terminer, les légumes sont oubliés. Tu te dis qu’ils vont manquer de nutriments et qu’ils seront malades à cause de toi, tes enfants. Pendant ce temps-là, quelque part dans le monde, il y a des enfants qui meurent de faim, des parents qui n’arrivent même pas à acheter l’essentiel pour le souper du lendemain. Mais t’as raison, t’es une mauvaise mère.
Dans le fond, c’est plus facile de te reprocher ce que tu fais de mal plutôt que de te féliciter de ce que tu fais de bien. Sauf que si tu prenais le temps de t’arrêter, de cesser de t’exiger l’impossible, tu t’apercevrais, que dans les faits, tes enfants ne manquent de rien. L’essence même d’une bonne mère, c’est d’être capable d’offrir à ses enfants ce qu’il y a de plus important, de l’amour. Tu peux continuer de t’autoflageller autant que tu le veux, toi et moi on le sait que tu y arrives parfaitement.
Mais si tu préfères, t’as raison, t’es une mauvaise mère.
Laisser un commentaire