Tu aimerais bien ressembler aux mères souriantes et comblées par la vie que l’on retrouve dans les pubs de produits nettoyants à la télévision. Elles lavent le plancher que leur petit monstre a sali en talons hauts, avec tout le bonheur du monde étampé dans la face. Ou celles des pubs de céréales. Elles ont tellement de plaisir à nourrir leurs rejetons dans une routine du matin où tout semble n’être que rigolade et béatitude.
Mais non. Dans ta vie à toi, ça ne ressemble clairement pas à une pub. Pas que tu sois incapable d’avoir du plaisir avec ta famille, loin de là. C’est juste que des fois, tu trouves ça une petite affaire plus difficile que la madame au sourire Colgate dans les annonces. Tu perds patience. Tu hausses le ton. Tu te fâches. Pis après tu te sens coupable. Comme si tu étais une mauvaise mère.
Ben moi j’vais te dire rien qu’une affaire ma belle maman : t’as le droit d’être fâchée. Parce que des fois, t’en as plein ton casque que la vie te pousse à boutte pour des niaiseries pis t’as ben raison.
T’as le droit d’être fâchée parce que t’es encore tombée sur le sac de lait vide dans le frigo. Comme si la personne s’étant servie avant toi en avait JUSTE ASSEZ pour SON verre. À chaque maudite fois.
T’as le droit d’être fâchée parce que le premier de tes enfants qui se lève va réveiller les deux autres en hurlant. Le dimanche matin. Et qu’ils sont maintenant trois à hurler leur famine au pied de ton lit.
T’as le droit d’être fâchée parce que tes gamins disent systématiquement « heurk » en sentant l’odeur du repas que tu leur as concocté avec amour. Ça te donne l’envie secrète de concocter le prochain avec quelque chose de pas mal plus mauvais.
T’as le droit d’être fâchée parce que tu es la seule et unique personne dans la maison à avoir les compétences requises pour changer un rouleau de papier de toilette. Comme si tu avais enfanté – et marié – une bande d’inaptes.
T’as le droit d’être fâchée parce que la vaisselle sale termine toujours sa course à deux pouces du lave-vaisselle, SANS JAMAIS ENTRER DEDANS. La porte semble franchement trop difficile à ouvrir. Faudrait vraiment porter plainte à la compagnie.
T’as le droit d’être fâchée parce que tes enfants tombent toujours malades à la date précise où tu avais un souper de filles de planifié depuis six mois. Tu pourrais facilement croire à un complot familial.
T’as le droit d’être fâchée parce que les *sti de chaussettes sales ne trouvent jamais leur chemin jusqu’au bac à linge. Par contre, elles trouvent toujours leur chemin jusqu’au plancher du salon, de la chambre de ton plus vieux et même celui juste à côté de ton lit. Du côté de ton chum.
T’as le droit d’être fâchée parce que tu viens de te planter en pleine face à cause d’une bébelle qui était supposée être rangée depuis trois heures, selon les dires de ta progéniture. Pis à c’t’heure ce sont tes enfants qui sont fâchés pis qui braillent parce que tu viens de donner un coup de pied dedans.
T’as le droit d’être fâchée parce que le seul moyen de communication de tes enfants, ce sont les cris de mort. T’es même allée faire vérifier chez le médecin s’ils étaient pas sourds. Mais non. Même pas. Mais si ça continue sur cette belle lancée, c’est toi qui vas devenir sourde comme un pot dans pas grand temps.
T’as le droit d’être fâchée parce tes enfants jurent sur leur vie qu’ils n’ont JAMAIS rien à faire les jours de congé. Pourtant, tu étais convaincue d’avoir acheté des milliers de bébelles à leur demande et de les avoir stockées dans leurs chambres. Bizarre.
T’as le droit d’être fâchée parce que t’es la seule dans ton couple à entendre les bruits nocturnes tels que les pleurs d’un bébé, la toux du plus vieux ou le terrible son d’un enfant qui se vide les trippes. Finalement, des fois ce serait une méchante bonne affaire que tu sois sourde.
T’as le droit d’être fâchée quand ton plus jeune fait caca dans sa couche au moment même où tu viens de réussir à finir de lui mettre son habit de neige, après de longues minutes de négociation. Quand tu es déjà en retard. Pis qu’il fait tempête. Pis que les deux autres braillent dans le char.
Bon. À c’t’heure que tu sais que t’as le droit d’être fâchée pour toutes ces affaires-là (pis des tonnes d’autres, je suis certaine que tu manques pas d’idées), tu dois aussi savoir que l’important dans tout ça, c’est de savoir retrouver le sourire.
Parce que tant que tu te souviens aussi de toutes les raisons pour lesquelles t’as le droit d’être heureuse, tu ne peux pas t’en vouloir de te donner le droit de bougonner une fois de temps en temps.
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