Mon chéri,
La plupart de mes journées commencent à 7h30. De prime abord, ça semble tard jusqu’à ce qu’on considère que ma nuit a débuté à minuit quand bébé s’est enfin assoupi et qu’elle a été interrompue quatre fois depuis. Juste ça.
Aussitôt réveillé, bébé réclame haut et fort sa tétée et met fin au sommeil paisible de sa grande sœur, elle aussi affamée. Après un dégât de lait et une séance d’obstinage en bonne et due forme, Grande fille ne mange finalement presque rien et bébé tète à l’infini. La tétée terminée, j’engloutis mon déjeuner illico pour mieux pouvoir affronter la journée : quelques brassées, le pliage avec bébé-bras lové au creux des genoux, les crises de grande fille qui réagit à l’arrivée de sa sœur, encore une tétée, le dîner, la vaisselle, une tétée, les dodos (en alternance, évidemment), les multiples changements de couches. Mine de rien, la journée se termine avec l’impression d’avoir tant et rien fait à la fois.
Toi, chéri, tu arrives dans le chaos du souper, du bébé qui pleure, de la grande qui ne veut pas manger seule, la cuisine bordélique. Même si tu n’émets pas de commentaires, disons-le, je suis essoufflée, parfois frustrée et tu en payes le prix. Je t’assure, je sais que tu ne fais pas la belle vie au boulot. Tout comme je sais que nos enfants, tu t’en occupes. Toutefois, quand la réorganisation suivant la venue de bébé me pèse, je t’envie.
Donc si tu détectes de la frustration quand tu réclames ton droit à du repos au retour du travail, c’est que pour moi, ton repos tu l’as eu les fesses sur ton siège pendant ton retour tandis que je n’ai pas eu le luxe d’aller aux toilettes tranquille une seule fois dans la journée.
Si tu me sens impatiente le samedi matin, que je te fusille du regard quand tu me dis qu’il n’y a pas le feu, c’est que j’attends depuis des jours mon trente minutes à moi, dans ma bulle, ne serait-ce que pour nettoyer la salle de bain.
C’est possible également que je soupire quand tu me dis que tu ne peux pas nourrir le chat parce que tu t’occupes de bébé ou quand tu me le tends parce que tu dois jeter quelque chose aux ordures. Ne sois pas non plus surpris que je sois fâchée quand les enfants sont ton prétexte pour ne pas avoir rangé un peu pendant une de mes rares absences.
Mon amour, quand tu es là, nous formons une équipe. Tu peux toujours compter sur moi, et moi inversement. Lorsque tu es au travail, je me débrouille. Évite donc de t’obstiner avec moi sur ce que tu peux faire ou non avec les enfants, je te mettrai assurément K.O. Tu es mon homme, celui avec qui j’ai choisi de fonder une famille parce que je te sais compétent. Fais-toi confiance. Accorde-moi juste un temps pour souffler un peu, et crois-moi, ça ira mieux. Pour moi, pour toi, pour nous.
Pour ma part, je vais te garder une réserve de patience. Je vais garder en tête que si j’apprends plus vite que toi à apprivoiser notre bébé tout neuf et à concilier sa venue avec nos obligations existantes, c’est que j’ai la chance de m’y consacrer à temps plein. Tu as aussi besoin de temps.
Puis si l’envie te prenait de me dire d’arrêter de chialer sur mon congé, je t’assure que je vais m’y efforcer et que ce ne sera que passager. Le souffle de bébé qui s’endort sur mon épaule, son odeur, ses bras qui me réclament auront vite fait de me ramener à l’ordre et seront les moments qui resteront gravés dans mon esprit quand, trop rapidement, mon congé sera terminé.
Il existe des congés paternité pas beaucoup jours mais au début sa soulage. Sa donne un ti peu temps pour récupérer de l’accouchement et de réfléchir un plan pour s’organiser.