La nuit. La moitié d’une journée.
Avant d’être maman, tes nuits étaient parfois mouvementées. Tu fêtais jusqu’à pas d’heure, tu buvais avec tes amies, tu dansais sans penser au lendemain. La nuit, c’était ta vie sociale qui s’animait.
D’autres nuits, tu aimais jusqu’à en perdre le souffle, tu faisais l’amour avec tout ton corps et ton cœur sans inquiétude et sans fatigue. La nuit, c’était ta vie intime qui s’animait.
Et puis, surtout, la nuit, tu dormais. Une chance que tu ne saisissais pas encore pleinement.
Un jour, tu es devenue maman. Et à partir de ce moment, toutes tes nuits ont changé. Tes nuits de sommeil, de vie sociale et de vie intime ont laissé place à d’autres types de nuits, qui t’étaient jusqu’encore inconnues.
Elles ont laissé place aux nuits de grossesse. Ces nuits où tu apprends à vivre au rythme de ton enfant, même avant qu’il ne soit dans tes bras. Ces nuits où ses coups te réveillent, ou son hoquet se manifeste toujours à des heures pas possibles. Ces nuits où tes hormones qui font des siennes te gardent éveillée plus souvent qu’autrement. Tu t’inquiètes, tu pleures, tu fais des cauchemars. Et ton ventre, si rond maintenant, t’empêche de profiter d’un sommeil réparateur si important avant l’arrivée d’un enfant. Tu as le souffle court, les jambes lourdes et la patience à zéro.
Elles ont laissé place aux nuits du nouveau-né. Ces nuits auxquelles rien ne t’avait préparée. Ces nuits que tu passes presque entièrement éveillée, tenant ton petit contre toi en essayant de comprendre la raison de ses pleurs continuels. Tu le nourris aux petites heures dans la pénombre de sa chambre, priant qu’il trouve le sommeil rapidement, espérant récupérer toi-même quelques minutes de repos avant le lever du soleil. Ces nuits où ton enfant dort pour la première fois, et où la peur t’envahit soudainement. Ces nuits où tu te relèves le cœur serré, juste pour être certaine que l’amour de ta vie respire encore.
Elles ont laissé place aux nuits de maladie. Ces nuits où le monde pourrait s’effondrer que tu n’y prêterais pas attention, tellement toute ta vie est tournée vers ton enfant qui souffre. Ces nuits où tu changerais volontiers de place avec lui, simplement pour retrouver le bien-être au fond de ses petits yeux ternis par la douleur. Ces nuits où tu oublies tes propres yeux ternis par le manque de sommeil pour bercer ton amour, croisant les doigts que la fièvre tombe bientôt. Ces nuits que tu passes à changer des draps souillés parce que la gastro a encore frappé, visant ton petit le premier.
Elles ont laissé place aux nuits de cauchemars. Ces nuits où la peur envahit ton enfant, brisant son sommeil paisible et le tien par le fait même. Ces nuits où tu vas chasser les monstres sous le lit, les fantômes dans la garde-robe et les larmes sur les joues de ton petit amour. Ces nuits où ta présence rassurante se veut essentielle pour calmer les tremblements de ton enfant qui ne fait plus la différence entre le rêve et la réalité. Ces nuits où seuls tes bras peuvent rendre la noirceur moins pénible pour ton petit.
Elles ont laissé place aux nuits d’inquiétude. Ces nuits où tu cesses de respirer lorsque tu crois avoir entendu le son de la porte d’entrée, annonçant le retour de cet enfant déjà devenu trop grand. Ces nuits où tu t’imagines le pire parce que ton adolescent est sorti avec des amis que tu ne connais pas, dans un lieu que tu ne connais pas, faisant des choses que tu ignores. Ces nuits où tu regardes les minutes s’écouler sur ton réveille-matin, des minutes plus longues que toutes celles que tu avais vécues auparavant. Ces nuits où tu ne trouveras le sommeil que lorsque tu sauras que ton grand est revenu au nid, l’inquiétude te laissant tranquille… Jusqu’à la prochaine nuit.
Elles ont laissé place aux nuits de nostalgie. Ces nuits où la maison est devenue si tranquille, ton petit ayant pris son envol depuis quelque temps. Ces nuits où tous ces silences te font faire de l’insomnie. Ces nuits qui te font te remémorer toutes celles que tu as consacrées à ton petit amour depuis tant d’années maintenant. Ces nuits où tu t’endors la gorge serrée, en te disant que la vie passe beaucoup trop vite, au bout du compte. Ces nuits où tu t’ennuies tellement de celui qui t’a gardé éveillée toutes les autres.
Toutes ces nuits où ton sommeil a été perturbé. Toutes ces nuits où tu as laissé ta vie en suspens pour t’occuper de celle des autres. De ceux que tu aimes profondément.
As-tu des regrets? Non.
Parce que ces nuits sont pleines de souvenirs que tu n’effacerais pour rien au monde.
Parce que ces nuits, elles sont la moitié de ta vie.
Tellement touchant, j’adore ton texte.
Merci beaucoup ?
ouf! que d’émotions! Des émotions qui, en écrivant c’est quelques mots, roulent sur mes joues et imbibent mon pyjama trop grand de maman qui est juste trop fatiguée pour se forcer à mettre un pyjama décent…… Quand je lit vos textes, je ne me sent plus aussi seule. Merci!
Touchant et vrai – merci ?