C’est fascinant de le voir dans tes yeux, le point d’interrogation, l’incertitude, le malaise que tu ressens quand je te dis à quel point c’est désagréable pour moi de porter la vie. J’ai l’impression à chaque fois, que la terre arrête de tourner et que je viens de dire le plus gros blasphème qui existe.
Toi, je te rencontre partout. Tu es mon amie, ma collègue, ma belle-mère, une connaissance, ma maman, peu importe. Tu es toi, toute heureuse pour moi, parce que j’ai cet immense honneur d’être ronde comme un ballon. Plus souvent qu’autrement, tu me touches le ventre en souriant, toute émue, sans remarquer le recul que j’ai face à ton réflexe de toucher mon intimité. Tu ne penses pas à me demander si j’y vois un inconvénient puisque tu prends pour acquis que je suis comblée de bonheur et que ce bonheur-là se transmet à tous via mon ventre trop apparent. Puis, tu me questionnes à savoir comment se passe ma grossesse. Tu es tellement certaine que je vais te répondre que ma vie est remplie de licornes et de câlinours, que tu tombes de haut quand je te réponds spontanément que je déteste être enceinte. Je le vois dans tes yeux. Tu crois à une blague, jusqu’à ce que ton regard croise le mien et que tu réalises à quel point je suis sérieuse. Ensuite, tu cherches quelque chose à dire, bouche bée.
Tu oses parfois remettre en doute mon désir d’être mère, comme s’il était impossible de ne pas aimer être enceinte mais de vouloir un enfant. En bout de ligne, tu parviens à me faire sentir encore plus coupable que je ne me sens déjà de ne pas considérer ma grossesse comme la septième merveille du monde et indigne de potentiellement faire ressentir mes émotions négatives au petit être qui grandit en moi en ne manquant pas de m’informer discrètement (ou pas…) , que bébé en construction ressent par procuration les émotions de celle qui le porte et que j’ai avantage à être heureuse et positive pour favoriser le développement de mon enfant. Merci du conseil, mais sache que je me le répète déjà continuellement en me tapant sur la tête.
Parlant de conseils, quand tu me dis de profiter de cette grossesse qui devrait être merveilleuse et épanouie en clamant que je n’ai que quelques mois pour profiter de la magie qui s’opère en moi et que je devrais en chérir chaque minute, tes commentaires provoquent carrément ma colère. J’ai TELLEMENT envie de profiter de mes maux de coeur, de mes reflux gastriques et de mes nausées! De chérir mes maux de dos qui m’empêchent de dormir la nuit! Ahh!! Sainte constipation, qui me suit depuis les premières semaines, que je t’aime !!! Sans t’oublier charmante rétention d’eau qui me donne l’air d’être gonflée à l’hélium; je me sens au zénith de ma féminité depuis que tu fais partie de ma vie! Merci livres en trop et cellulite qui soudainement viennent me scraper le body encore plus qu’il l’est déjà; déformé par mon ventre gargantuesque, mes mamelons foncés et mes pieds enflés. Je trippe tellement quand c’est le temps de m’habiller ou de mettre mes souliers! Merci à toi le manque d’énergie, vraiment c’est fou comme tu me fais sentir vivante!!! Alléluia sautes d’humeur, crises de larmes pour rien et anxiété; je vous vénère (et mon chum aussi).
Finalement, quand tu me parles de ta grossesse épanouie tout sourire, c’est le pire. Parce que je t’envie. Parce que tu deviens celle que j’imaginais que j’allais être. Bien dans sa peau en mettant de l’avant ce beau bedon rond sans complexes. Celle qui s’émerveille de sentir son mini bouger en elle. J’aimerais réellement être comme toi avec tes yeux brillants et ton bien-être évident et je te souhaite sincèrement tout le bonheur du monde. Et même si au fond de moi, je te jalouse avec passion, je dois admettre qu’il m’arrive parfois, une graine à la fois, l’espace d’un bref moment, d’être aussi cette femme enceinte qui resplendit.
Pendant un merveilleux instant.
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