Mon bébé,
Tu as fait ton entrée dans ce monde comme une petite bombe. Ce fut un travail rapide et intense, une poussée quasi inexistante. Je me souviens encore à quel point je t’ai tout de suite trouvée belle. Des cheveux fins, ton petit visage parfait en forme de montgolfière, encore toute crémeuse. Le coup de foudre, l’amour au premier regard. Je t’avais attendu longtemps, mon bébé. J’avais deux nouvelles petites étoiles qui veillaient sur moi. Pendant neuf mois, j’ai eu peur de te perdre. J’étais certaine qu’il arriverait encore malheur. Quand on t’a mise sur moi, mes larmes ont coulé et j’ai enfin soufflé. Jamais je n’aurais cru alors que c’était mon pire cauchemar qui était sur le point de commencer.
Ton entrée fracassante dans nos vies était seulement un bref aperçu de ce qui nous attendait, petit bébé explosif que tu étais. Tu as tout détruit sur ton passage. Tu as saccagé notre équilibre familial. Tu m’as pris ma capacité à réfléchir convenablement. Tu m’as amenée à délaisser mes beaux principes d’éducation. Tu ne connaissais ni le sommeil, ni le silence. Tu pleurais tout le temps : matin, midi, jour, soir et nuit. Je te regardais hurler, désemparée, après avoir tout essayé. Je finissais par m’installer pour te bercer et on pleurait ensemble, parfois pendant des heures. Quand tu ne pleurais pas, on devait constamment te porter. La moindre tentative de dépôt déclenchait une crise monumentale. La nuit, tu acceptais de fermer les yeux seulement si on te couchait directement sur nous. Et à la seconde où on fermait enfin les yeux, tu ouvrais les tiens. Tu exigeais qu’on soit les gardiennes sacrées de ton sommeil. Mon bébé, tu m’as rendue complètement folle. Folle et malheureuse.
Pourtant, tu n’étais pas la première. Je savais ce que c’était un nouveau-né. Je savais que c’était exigeant, difficile et extrêmement épuisant. Tu m’as prise au dépourvu. Tu m’as amenée à penser que je détestais les bébés. Plus jamais, que je me disais. J’étais incapable de dire que je t’aimais. Tu n’étais que nuisance, que désagrément. Je suis désolée mon bébé, mais je t’ai regretté. J’ai souhaité que tu n’aies jamais existé. J’ai souhaité que tu sois différente. J’ai souvent rêvé de revenir en arrière, à ce bon temps où notre vie n’était pas dictée par tes cris stridents. Tes premiers mois mon bébé, je ne les ai pas savourés, je les ai subis et ils m’ont paru des années.
Puis tu as grandi. Et j’ai réalisé que ta grande intensité avait aussi des bons côtés. Mon cœur qui bat un peu plus fort et un peu plus vite, rempli d’un amour et d’une fierté encore plus grande, vu le chemin parcouru, chaque fois que tu franchis une nouvelle étape. Ton premier sourire. Ton premier maman. Ta petite main dodue qui fait des bye bye. Tes premiers pas. Ta première journée de garderie. Ce moment où tu es devenue un bambin et que j’ai poussé un soupir de soulagement, en réalisant que j’avais survécu. Et te survivre, crois-moi mon bébé, ce fut tout un défi.
Mon bébé, tu n’es plus un bébé. Tu es un bambin, presque une enfant. Mais tu es encore ma petite bombe. Cette petite bombe qui cogne du pied et se frappe la tête contre le plancher à la moindre contrariété. Avec les années, tu as forgé ta petite voix pour manifester tes envies et tes besoins encore plus fort. Ta maman et moi, on se plaît à dire que ton caractère est à l’image de tes cheveux : indomptable. Mon bébé, j’ai appris à t’aimer. D’un amour fort et inconditionnel à l’image de ton intensité.
Mon bébé, je m’excuse d’avoir regretté ta naissance.
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