Je ne sais pas depuis combien temps notre barque dérivait sur l’océan lorsque je m’en suis rendu compte. La côte avait soudainement disparu. Il y a quelque chose qui s’est passé et je ne l’ai pas vu venir. Je ne me suis pas trop posé de questions. Il fallait réagir. Il fallait maintenant ramer pour que notre barque revienne à bon port. Et pour y arriver, on devait ramer ensemble. Une évidence.
Mais voilà, notre barque, je l’ai vue lentement prendre le fond. J’ai vidé l’eau qui entrait dedans à coups de cuillère à soupe pendant des mois en te suppliant de m’aider. J’ai ramé comme une damnée pour rejoindre la côte. Je t’ai encouragé à ramer avec moi pour y arriver, parce qu’à deux, c’était bien certain qu’on allait y arriver. Puis, alors que je me questionnais sur les raisons qui faisaient qu’on n’avançait pas aussi vite qu’on aurait dû, je me suis rendu compte que j’étais la seule à vouloir rejoindre la rive. Mais me tournant vers toi, j’ai vu que tu pleurais dans le fond de la barque. J’ai donc pris mon courage à deux mains et j’ai ramé toute seule encore et encore en me disant que c’était pas grave, que j’allais le faire pour nous deux. Parce que j’étais forte.
Mais est venu le jour, ce jour, où j’ai constaté que ça ne marchait plus. Que tu étais rendu trop lourd à porter pour moi, que mes forces m’abandonnaient lentement et que je m’épuisais à vouloir tout faire seule. Puisque tu n’as pas voulu te relever, que tu n’as pas voulu travailler avec moi, je me suis alors retrouvée face à un dilemme. Dévastée, j’ai dû faire un choix.
J’aurais pu rester là pis pleurer ma vie, moi aussi. Mais je ne suis pas du genre à abandonner. Ce n’est pas une option que je connais. Je suis une battante. Et j’ai une petite responsabilité sur mes épaules : notre fils. Une toute petite responsabilité de deux ans à qui je dois montrer le bon chemin dans cet océan-là. J’ai donc fait le choix de lâcher prise pour ne pas sombrer. J’ai pris mes rames et mes responsabilités et j’ai changé de barque pour faire face au vide toute seule. Pour m’en sortir pour moi et pour lui.
Oui, je me suis choisie. Oui, je me suis sauvée. Oui, je t’ai abandonné dans ta barque.
C’est là où j’en suis aujourd’hui. La côte, je la vois qui approche. Je peux presque la toucher des doigts tellement elle est proche. Je rame toute seule, sans toi, mais je rame. Oh! Parfois, j’ai mal, je me décourage, je perds le souffle, je trouve ça long et dur, mais la rame, la maudite rame, je ne la lâcherai jamais, comprends-tu?
Je vais la toucher, la côte. Je jure que je vais la toucher. Puis quand je vais enfin accoster et poser le pied sur le sol de cette côte-là, ça va être beau et bon. Comme dans ce rêve que j’ai voulu autrefois pour nous deux et dont tu ne fais plus partie désormais. Comme dans ce rêve qui a changé et que moi, je réaliserai prochainement sans toi. Et sans regrets.
Bonne chance à toi.
J’aurais aimer écrire ce texte seul petit changement une poulette de 5ans…. sinon c’est pareil…. 6 ans plus je suis heureuse d’avoir pris cette décision pour moi 🙂
Wow j’aime vraiment ton texte! Belle allusion avec la barque, les personnes qui ont besoin d’être imager pour comprendre sont servi à merveille avec celui ci. ?
C’est un beau texte poignant que tu nous livre , aujourd’hui. Merci de me faire voir que d’autres rames aussi fort que moi 😉 Bon courage et plein de lumière pour t’accompagner sur la rive !
Votre texte me touche beaucoup, vous avez su trouver une si belle image pour décrire avec une telle justesse ces moments là. J’en suis au lâcher prise, mais il me reste à faire cette enjambée qui me parait si grande pour changer de « barque »… Merci pour ces mots, bravo pour votre courage, je vous souhaite d’arriver à bon port et que l’année 2018 vous permette de réaliser vos rêves…
J’adore cette étape de la vie imagé. J’ai changé de barque et je rame doucement et maintenant je n’ai aucune envie de faire demi-tour pour une terre promise mais en découvrir une nouvelle pleins de promesse.
Ouf ! Le texte qui me décrit tellement… Je réalise que j’aurais pu aussi l’écrire… cette image a toujours été pour moi la façon d’expliquer le sentiment qui m’habitait avant de prendre ma décision…
Il y aura 20 ans ( déjà ??? !!! ) en juin de cette année 2018, j’ai pris la plus sage décision de ma vie, non sans savoir ce qui m’attendait ne serait pas facile …
L’année d’avant, j’étais tout à fait dans » le même bateau », avec un petit bébé à naître dans mon ventre, une poulette de 10 mois assise sur ma cuisse droite et une autre poulette de 4 ans sur ma cuisse gauche, ramant comme une déchaînée avec leur père qui était installé à la place du moteur de la barque et qui me laissait faire le boulot pour arriver à bon port…
Comme on dit, j’ai » toffé la run » jusqu’à la naissance de notre fils, jusqu’à ce qu’il ait 7 mois et je me suis séparée du père et ai pris mon rôle de maman monoparentale à pleines mains en ne remettant jamais ma décision en doute mais sachant très bien que je me devais de relever le défi, un petit pas à la fois… Ne pouvant nullement compter sur lui pour un petit peu de répit, malgré les nombreuses décisions du tribunal, il avait décroché de son rôle de père et » ça le tannait, la routine »…
Maintenant, je me réjouis de voir tout le chemin parcouru et j’ai la joie d’avoir ce que j’appelle » mon mur de célébrités » sur lequel sont les photos de mes 3 enfants avec leur diplôme d’études secondaires. Ils ont tous atteint la vingtaine maintenant et je me sens comme quelqu’un qui a réussi un super marathon. Je me couche le soir avec le sentiment du devoir accompli. Merci la vie pour tout : l’énergie, le cœur à la bonne place, l’envie de réussir, le bonheur de vivre au quotidien, avec des enfants en santé qui savent à leur tour apprécier la vie pour tout ses petits bonheurs qu’elle sait mettre sur notre route…