Ce n’est qu’après une très lente phase de réflexion que tu as décidé de reprendre ton envol en solo et de mettre fin à ta vie de couple longue de deux décennies. Pendant tout ce temps, tu t’étais préparée à l’idée d’entretenir ton auto toute seule. Tu avais pensé à la fréquence idéale de la tonte de la pelouse. Tu t’étais imaginée planifier l’entretien de la toiture, de la thermopompe autant que reprendre le contrôle de l’épicerie, en te demandant du même coup si tu avais les moyens de tes ambitions. Tu as essayé de ne pas laisser ta peur de l’inconnu te paralyser ou te faire renoncer à ton but. L’appréhension du futur est souvent pire que ce à quoi on fait réellement face. Combien de fois l’avais-tu répété à d’autres dans d’autres circonstances?
D’autres pensées te redonnaient du courage, comme l’idée de quelques rénovations, de redécorations d’intérieur sans avoir à essayer de convaincre qui que ce soit de l’harmonie des meubles, des couleurs, sans avoir à négocier le budget disponible. Décider en tête-à-tête avec soi-même est toujours bien moins compliqué.
Tu savais aussi que tu passerais plus de moments avec toi-même et séparée de tes enfants. Et pour être honnête, à tes yeux, c’était plutôt un argument en faveur de la séparation. Même du temps où la maisonnée comportait deux revenus, tu trouvais que les rôles de maman et de conjointe pouvaient être aussi valorisants, merveilleux que surprenants, mais aussi étouffants et même un peu ingrats. Fait que que la solitude ne te faisait pas peur. Au contraire, ça t’a galvanisée et ça t’a convaincue de déployer tes ailes.
Bref, tu avais imaginé plein de scénarios, tu t’étais préparée à beaucoup de choses, et surtout à l’idée que ce serait différent de l’image que tu t’en faisais.
Ce que tu n’avais pas imaginé par contre, c’est que tes moments de Me Time n’allaient pas être le highlight de ta vie sociale. Que ton entourage composé de couples et de familles n’allait plus tourner sur le même beat que le tien et que du coup, les invitations à boire un verre/manger des tapas/prendre un café n’allaient jamais arriver au bon moment, celui où tu étais libre.
Au début, tu t’es dit que ce n’était pas grave et que rien ne t’empêchait d’aller boire le verre/manger les tapas/prendre le café quand même. Tu trouvais même intéressant de t’asseoir au comptoir et de regarder la foule, de voir les détails que les autres – accompagnés – ne voyaient pas, trop plongés dans leur bulle. Et tu rentrais chez toi heureuse, rassasiée et fière de ta ténacité face à l’adversité. Qui sait, même si ton objectif n’était pas de te trouver un nouveau partenaire, faire des rencontres de tous genres a un certain attrait. Socialiser, ressentir, vivre…
Mais après quelques mois d’invitations qui tombent à l’eau et de sorties en solo par obligation, en marge du monde, tu rentres à la maison un peu moins heureuse et un peu moins rassasiée. Parfois même, tu rentres en pleurant sans trop savoir pourquoi. Oui, ce soir, tu as osé engager la conversation avec un couple que tu n’avais jamais rencontré avant. Oui, tu as laissé le jeune barman entrer dans ta bulle autrefois si fermée, et la discussion – dénuée de tout sous-entendu – a même été assez agréable. Sauf que tu te demandes bien pourquoi tu te ramasses toujours toute seule au restaurant/dans un bar/au café. Pourquoi personne ne veut t’accompagner, passer du temps avec toi, maintenant que tu vis seule.
Tu es là, à la croisée des chemins et le doute s’installe.
Est-ce parce que tu es trop/pas assez? Est-ce que tu as des amis, des vrais sur qui tu peux compter, de ceux qui te pardonnent tes frasques et tes opinions même quand elles divergent des leurs?
Est-ce que tu as été à la hauteur quand ils avaient besoin de toi et est-ce que tu as répondu à leurs besoins/leurs attentes? Et si c’était toi le problème? Et si le message qu’on cherchait à te faire passer était qu’on n’aimait pas la personne que tu es? Est-ce que tu es condamnée à rester seule jusqu’à la fin? Cette pensée te glace le sang, toi qui espérais une vie un peu plus légère.
J’aimerais te dire que cela passera, que ça ira mieux, même si tu en doutes ce soir. Que tu es forte et que tu vas passer à travers, même si ce soir, tu te demandes comment tu vas y arriver. Ne perds pas espoir.
Tu es résiliente et tu l’as déjà prouvé. Cette vie sociale, tu y as droit et tu l’auras, même si elle est différente de ce que tu croyais. Sois confiante. La vie est rarement celle qu’on imaginait, mais elle nous offre souvent de belles surprises. Quand la vie vous donne des citrons, faites de la citronnade. Fais-toi en pas, ça s’en vient. D’ici là, prends un jour à la fois et prends soin de toi.
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