Ode au sexe ordinaire

Bon, alors, avez-vous compris, oui ou non, chers parents? L’avez-vous, comme  moi, lu et relu dans toutes les revues et tous les blogues? La solution à notre libido vacillante de géniteurs épuisés, elle nous a été servie à toutes les sauces : pour redevenir les porn stars de nos 18 ans, il suffit de RÉDUIRE NOTRE CHARGE MENTALE.

C’est tout simple : une fois que nous aurons oublié notre ménage, nos impôts et nos enfants, il faudra se concentrer à ne surtout pas négliger notre partenaire de vie et ses besoins. Nous ne voudrions pas voir celui-ci se mettre à lorgner vers une tierce personne, pas vrai? Prenons soin de nous, pensons à des scénarios coquins, soyons spontanés, achetons de la lingerie et des jouets, prévoyons de la musique, envisageons de nouvelles positions, apprenons des mots cochons, séduisons-nous, massons-nous, faisons l’amour dans des endroits insolites, entraînons-nous au strip-tease, lisons Fifty Shades of Grey, allez, oui, c’est bon, continue, c’est ça, encore, plus fort….…

Coudonc, j’ai beau avoir diminué ma charge mentale, c’est moi ou bien elle vient de remonter bien haut, tout à coup? Non mais, on peut pas juste baiser en paix comme ça nous adonne?

Ce n’est pas toujours évident de garder une vie sexuelle pimentée, c’est vrai. Mais ça l’est encore moins  quand on a la constante pression d’innover à tout prix sous peine de se faire domper. Perso, avoir une épée de Damoclès au-dessus de la tête n’est pas dans le top cinq des choses qui me font mouiller mes bobettes, mettons. Le trampoline vient ben avant, mais ça c’est une autre histoire!

Faisons l’amour, ça oui. Mais pas comme à nos 18 ans, non. Car on n’a plus 18 ans. On est devenus parents. Donnons-nous le droit de faire l’amour comme tel. Comme deux amoureux parfois fatigués, mais qui partagent la complicité et l’intimité de ceux qui se sont vus dans toutes les situations imaginables et qui se connaissent sur le bout des doigts.

Faisons-le avec amour, avec tendresse, avec maladresse parfois. Faisons-le en dix minutes ou en une heure, avec nos corps, nos mains, nos bouches. Faisons-le donc en se regardant, en jasant, en riant, pourquoi pas? En se trouvant beaux même dans nos vieux pyjamas élimés. Faisons-le même si il y a un pied de Monsieur Patate quelque part dans les draps pis un pissenlit desséché dans un verre sur la table de chevet. Faisons-le même si on a attrapé le rhume du bébé et qu’on va éternuer quelques fois. Faisons-le pas compliqué, dans notre lit recouvert d’une doudou brune à motif de loup. Elle est laide mais elle est chaude, pis on est bien, tout nus au chaud.

Faisons-le ordinaire, en missionnaire si c’est comme ça qu’on feel. Parce que des fois vaut mieux jouir un bon coup en missionnaire pas-coiffée-pas-maquillée, que de ne pas jouir sur le coin de comptoir d’une toilette de restaurant, enguirlandée comme un sapin de Noël dans une guêpière en dentelle à 150 piastres, même si sur papier ça a l’air ben hot.

Pis des fois, faisons-le pas. Parce que ça adonne pas, parce qu’on est brûlés, parce qu’on est menstruées, ou parce qu’en fin de compte, la p’tite a fait un cauchemar qui nécessite une bonne demi-heure de flattage de dos pour la rendormir. Regardons-nous avec un clin d’œil de connivence, plutôt qu’avec culpabilité ou frustration, ce n’est que partie remise, et ça n’en sera que meilleur.

On veut abaisser nos charges mentales pour redevenir des dieux du sexe? Donnons-nous le droit d’être plates au lit. C’est peut-être comme ça, une baise ordinaire à la fois, qu’on va sauver nos couples, et se mettre à avoir le goût, vraiment le goût, de temps en temps, d’une baise extraordinaire!

*Ce texte est délibérément écrit de manière non genrée. La baisse de libido parentale, liée à la charge mentale ou non, peut toucher aussi bien les papas que les mamans, de même que les couples de même sexe.