J’ai besoin d’être encore ta petite fille, maman. De savoir que j’ai été désirée, attendue, imaginée. Besoin de t’entendre me dire que tu m’as regardée dormir après de longues heures de désespoir. Fière, fatiguée, remplie d’amour. J’ai besoin que tu me nommes toutes les missions de bienveillance que tu t’es données à mon égard, pour protéger mon enfance. J’ai besoin de l’entendre, avec ta voix de maman.
J’ai besoin d’être encore ta petite fille, maman. De savoir que tu as aimé me découvrir, me voir me déployer, avec et envers toi. Que tu as eu peur parfois, mais que tu m’as fait confiance. Parce que tu m’as vu grandir et que, de ton mieux, tu m’as accompagnée. J’ai besoin de t’entendre me dire que tu as eu un pincement, une boule dans le ventre, mon tout premier refuge, quant tu as compris que j’allais être différente, que je n’allais pas être d’accord, que j’allais m’éloigner et peut-être même t’en vouloir. Un pincement d’orgueil quasi camouflé par toute la fierté et l’amour qui sommeillaient en toi dans la grisaille de mon adolescence. Explicitement, j’ai besoin d’entendre ces mots pour ne plus douter. Ou pour douter un peu moins, maman.
J’ai besoin d’être encore ta petite fille, maman. De t’entendre me dire que tu allais rester malgré tous mes mauvais choix, malgré tous les tests que j’ai faits par moi-même, parce que « ton expérience » je n’en avais rien à cirer. J’ai besoin que tu me dises que tu n’allais pas partir, comme les hommes qui n’ont été que de passage dans ma vie. Que tu me dises que je n’avais pas à douter, que toi, t’allais être là pour toujours. J’ai besoin d’être ton enfant. Besoin de sentir, maintenant plus que jamais peut-être, que tu seras là pour me nourrir, pour m’apaiser, pour m’offrir ce refuge que sont tes bras de maman. J’ai aussi envie d’entendre que tu ne te gêneras pas pour m’appeler encore ma jolie même si ça, c’est un petit nom d’enfant, celui que tu me donnais avant que quelqu’un m’appelle à mon tour maman. J’ai besoin de savoir que je serai la petite de quelqu’un, que tu seras là pour être la grande, la mère veilleuse, protectrice, couveuse, rassurante.
J’ai besoin d’être encore ta petite fille, maman. Pour avoir la force de tout donner aux miens. Pour avoir la confiance que j’en suis capable et que quelqu’un y croit quand moi je ne vois plus clair. Pour avoir et transmettre un sentiment de sécurité que seule, je ne peux pas porter. J’ai besoin d’être ton enfant et de remplir mon réservoir d’amour inconditionnel, car je veux qu’il soit inépuisable. Je veux plus que tout que mes enfants s’y abreuvent chaque jour de leur vie. J’ai besoin d’un endroit, d’un regard qui me protège encore de tout, pour que dans tes bras, je ne sois encore qu’une enfant, le temps de reprendre des forces avant de retourner auprès d’eux, pour être leur maman.
Très beau texte ?