Mon bébé,
La semaine dernière, je t’ai échappé. Tu es tombé et j’ai réagi trop tard. Tout s’est passé tellement vite. J’ai paniqué, j’ai pleuré, je m’en suis tellement voulu. J’ai eu peur que quelque chose de terrible survienne dans ton petit corps si fragile. D’abord emplie de regrets, de « j’aurais-donc-dû », puis d’un grand sentiment d’impuissance… je n’ai eu d’autre choix que de lâcher prise, mon chéri. Malgré toutes les précautions, des accidents peuvent arriver.
À nous toutes, toutes aussi imparfaites que nous sommes en tant que mamans.
Tu étais sur ta table à langer, à te tortiller comme un p’tit diable dans l’eau bénite, comme dirait grand-maman. Parfois, j’ai l’impression de faire partie, malgré moi, d’un combat de lutte gréco-romaine de niveau olympique! Je sais que tu n’aimes pas te retrouver les quatre fers en l’air, à te faire nettoyer, changer, replacer, limité dans tes mouvements et stabilisé comme un p’tit poulet qui se fait plumer. Une fraction de seconde, je me suis penchée en délaissant un peu ma prise du cobra, le temps de saisir une couche placée un peu trop loin sur la tablette… Tu en as profité pour vouloir mystifier les juges avec une pirouette des plus spectaculaires et ta tête a rencontré le sol avec un bruit horrible.
Je m’en rappellerai toute ma vie, de ce bruit. De l’ouragan de panique qui s’est emparé de tout mon être, lequel a bondi vers le tien pour te consoler, te cajoler, mêler mes pleurs aux tiens. Ma fatigue et mon brouillard cérébral ont paralysé mes réflexes et il s’est passé une petite éternité avant que je ne songe à appeler les secours. Mon Dieu! Deuxième vague de culpabilité : et si j’avais trop attendu? Et si tu avais des séquelles permanentes? Je ne me le serais jamais pardonné, mon p’tit amour. Pauvre infirmière d’info-santé qui ne comprenait rien à mon charabia poussé entre deux cris de panique et tes pleurs inconsolables, mon bébé…
Heureusement, tu t’en es sorti et moi aussi. Non sans la peur que ça se produise à nouveau. Non sans jugement et regards réprobateurs de mes consœurs. Non sans douter de mes compétences. Non sans remettre en question tous les faux-pas que j’avais faits et que j’allais possiblement faire un jour.
Oui, tu es tombé. Oui, je t’ai surveillé. Oui, j’ai fait attention. Mais les accidents arrivent, cher bébé. J’ai passé plusieurs mois à repenser à cet événement malheureux, qui a connu un dénouement sans conséquences. Tu sais, le son horrible de ton crâne qui a touché le sol de ta chambre douillette, cet endroit où tu devrais être le plus en sécurité, il a hanté mes nuits pendant longtemps. Tout comme tes pleurs lorsque j’ai accidentellement pincé ta peau en plaçant soigneusement ton épingle d’attache-suce sur ton pyjama; tout comme ton cri quand ton doigt est resté coincé dans la tablette de ta chaise haute…
Ne m’en veux pas, mon chéri, je t’en prie. Je t’aime à la folie et chaque bobo me fait aussi mal qu’à toi, sois-en certain.
Tu es mon trésor, mon bébé chéri, et je ferai tout en mon pouvoir pour te garder en sécurité.
Toujours.
merci beaucoup d’avoir écrit cela, il m’est arrivé la meme chose cette semaine et ce`que tu as écrit m’a aidé à faire la paix avec cet evenement. merci !