Tu fais partie de cette génération de femmes libérées. Tu n’es pas prisonnière d’un rôle social prédéterminé. Tu as l’immense privilège d’évoluer dans une société dont les portes te sont grandes ouvertes. Je sais que tout n’est pas parfait et qu’il y a encore des portes que l’on aimerait défoncer à grands coups de pied en pointant du doigt les injustices qui s’y déroulent à huit clos. Mais ta grand-mère et ses consoeurs ont fait un travail colossal afin que toi, femme moderne, tu puisses accéder à l’emploi dont tu as toujours rêvé.
Toute petite, on t’a élevée en t’expliquant que tu avais le choix. Tu savais que tu pourrais un jour devenir ce que tu désirais en y mettant les efforts nécessaires (sauf peut-être une licorne ou une princesse, hélas). Tu as grandi avec la conviction que toi et ton kick de jeunesse aviez les mêmes possibilités de carrière, peu importe ton sexe. Tu es abasourdie lorsque tu songes qu’il n’y a pas si longtemps, la place des femmes était obligatoirement à la maison. Toi qui ne sais pas récurer un chaudron et qui n’as pas un grand talent pour cuisiner autre chose que du Kraft Dinner, tu t’es même permis de juger négativement ce rôle auquel les femmes d’autrefois étaient enchaînées. N’était-ce pas dégradant que de n’exister que pour servir son homme et ses enfants ?
En fière femme pleine d’ambition et de possibilités que tu es, tu t’es taillé une place sur le marché du travail. Tu as été élevée pour être une personne indépendante et capable de subvenir à ses propres besoins. Tu as mis du cœur et du temps à te construire une carrière. Tu as peut-être même eu l’audace de devenir cadre ou de fonder ta propre entreprise. Pourquoi pas ? Tu es forte, intelligente et capable de tout ! Tu as ta carrière à cœur et la conviction que ta place est sur le marché du travail tout comme les hommes.
Puis, tu as eu un enfant…
Durant ton congé de maternité, tu as vécu une existence en parallèle. Tu voyais cet arrêt comme une parenthèse dans ta carrière. Tu as consacré ton quotidien à prendre soin de ton enfant et t’occuper des corvées ménagères. Tu as commencé à prendre plaisir à popoter des petites recettes succulentes pour ta famille. À ton grand étonnement, tu as même retiré de la fierté lorsque ton homme a complimenté ton ‘’roastbeef’’. Tu as peut-être appris à coudre, à tricoter ou à faire ton propre pain. Et quel sentiment d’accomplissement tu as ressenti quand tu as découvert le truc pour faire partir les taches de régurgit des minuscules pyjamas de ton bébé ! Tu as tranquillement pris goût à ce rôle de maman à la maison.
Les semaines ont passé… les mois se sont écoulés… tu étais heureuse dans ce rôle qui te paraissait autrefois fade et sans challenge. La vie à la maison n’était pas monotone et tes journées étaient remplies. Elles ont défilé à la vitesse grand V. Le retour au travail s’est pointé à l’horizon. L’idée de laisser ton enfant à la garderie te nouait l’estomac. Ce n’est pas toi qui allais lui enseigner l’alphabet et les couleurs. Tu pensais aussi à toutes ces recettes que tu n’aurais plus le temps de préparer, à tous les sourires de ta progéniture qui t’échapperaient, à tes aiguilles de tricot que tu manipulerais maintenant rarement, à ta maison que tu n’aurais plus le temps d’entretenir à ton goût… et c’est à ce moment que tu as pris conscience que tu n’avais plus si envie que ça de retourner travailler. Cet emploi qui était si important pour toi n’occupait plus le premier rang dans ton cœur. Tu as réalisé que tu t’accomplissais aussi à la maison et que tu aimais prendre soin de ta famille en y consacrant ton quotidien. Ta place est-elle finalement à la maison ? Mais être mère au foyer implique un renoncement à ton autonomie financière, à ton fond de pension, à ce rôle de travailleuse pour lequel tu te préparais depuis toujours… c’est aussi passer énormément de temps en compagnie d’enfants avec des interactions sociales adultes assez limitées… serais-tu heureuse ?
Il y a des jours où tu rêves d’une belle carrière, d’avancement et de promotions. Puis, il y a des matins où tu te réveilles avec l’envie de foutre tout ça aux oubliettes pour t’occuper de tes amours. C’est ton combat interne depuis que tu es mère. Il est peut-être là le grand dilemme de notre génération… les mamans sont partagées entre leurs désirs d’accomplissement personnel, professionnel et familial. Tu ne peux pas déterminer avec certitude si ta place est sur le marché du travail ou à la maison. Tu te sens déchirée entre deux rôles qui se combinent parfois difficilement. Tu veux réaliser ton plein potentiel tout en étant disponible pour ta famille. Tu veux relever des défis professionnels stimulants tout en cuisinant longuement des repas équilibrés. Tu veux avoir un bon salaire sans faire trop d’heures pour t’impliquer à l’école de tes enfants. Tu veux être fière d’avoir décroché un important contrat, mais tu ne veux pas manquer la fierté sur le visage de ton enfant qui remporte son tournoi de soccer…
J’aimerais te dire que je sais. J’aimerais te dire que tu sauras. Certaines femmes savent exactement où elles veulent être et je les envie. Mais toi, moi et de nombreuses autres mamans chercherons l’équilibre encore un moment. Encore quelques années. Encore quelques générations peut-être.
Peut-être qu’il y a un peu de tout ça en chaque maman entrepreneur, un besoin de se réaliser tout en gardant plus de contrôle sur notre horaire pour être plus présente pour nos enfants 🙂
Tu exprimes si bien cette dualité que l’on porte! Merci.
À lire : Unfinished business de Anne Marie Slaughter. Relatant l’avancement des femmes sur le marché du travail tout en éprouvant le sentiment de vouloir avoir une présence parentale pour les enfants et comment on doit s’y prendre pour améliorer les générations futures.
Oh wow ! Quel beau texte… j’aurais aimé l’écrire… il me raconte mon histoire…j’ai longtemps cherché ma place entre ma carrière et ma famille… j’ai donné tout mon être à tenter d’exceller dans ces 2 domaines… avec un enfant, j’y arrivais, mais si j’étais épuisée… Mais avec 2… ca ne marchait plus… je me suis rendue malade… 6 mois en arrêt de travail… ensuite, j’ai compris… compris que je n’étais pas au bon endroit, que je ne faisais pas ce que mon cœur me dictait… A mon retour au travail, je réussissais, mais le cœur n’y étais plus… l’intérêt non plus… et j’ai eu la chance de pouvoir arrêter. De pouvoir peser sur pause dans ma vie professionnelle. La chance de pouvoir être présente dans toutes les activités de mes enfants… La chance de pouvoir trouver la version 2.0 de moi-même, la femme-maman ! Et aujourd’hui, je suis en train de me lancer en affaires… Alors, à vous toutes qui lisez ce texte, n’attendez pas de vous rendre au bout du rouleau avant de vous arrêter et de vous questionner… la vie est trop courte pour se rendre malade à vouloir être parfaite partout et à vouloir répondre aux idéaux créés par les générations passées… trouvez votre place et façonnez votre vie à VOTRE image… ❤️
La petite enfance est une « bien courte » période dans une vie…. Trop tôt, nos enfants nous demandent des lifts pour la « boum » et ensuite ils prennent la voiture, partent et reviennent quand ils en ont envie…. Ce sera peut-être là ! À ce moment là ! Qu’il sera le meilleur timing pour réaliser les défis professionels à temps plein, et DEMI !!!… Mais d’ici là, n’est-ce pas le plus beau défi que d’être disponible pour son enfant et le voir évoluer tout au long de sa petite enfance….enfance… ?! Il restera bien des années après cette magnifique période qu’est l’enfance, pour faire toutes les heures nécessaires afin de réaliser les rêves professionnels ?