Toi, la maman qui nous a ignorés quand ma petite fille a voulu jouer avec ton fils, son ami de la garderie,
Je voulais te remercier. Quand une fin de semaine, ta route a croisé la nôtre au gré des loisirs et des animations. Quand tu as tiré ton enfant par la manche pour qu’il ne vienne pas nous voir et quand tu as fait mine de ne pas répondre au sourire que je t’adressais, tu m’as donné une nouvelle leçon de vie.
Pourtant côté leçons, je pensais avoir fait le plein ces derniers mois. Moi, la maman immigrante qui a tout quitté pour offrir une meilleure vie à sa famille. Bien sûr, nous n’avons pas fui un pays en guerre, mais ça n’enlève pas tous les efforts que nous avons dû faire pour en arriver là, sur une nouvelle terre, un nouveau continent, avec ses promesses de renouveau, mais aussi toutes ses difficultés à venir.
Prendre la décision de partir, c’est accepter de se déraciner, de perdre ses repères et de s’embarquer pour un futur qui n’est pas écrit. Quand nous nous sommes lancés dans ce grand changement de vie, mon mari et moi ne savions pas à quoi nous attendre, mais nous savions en revanche ce dont nous ne voulions plus.
Quand je suis devenue maman, je me suis promis d’offrir ce que je considérais comme étant le meilleur à mes enfants, et aujourd’hui j’en suis rendue là, ma raison d’être jour après jour se résume à protéger et aimer mes enfants envers et contre tout.
Nul ne sait les jours et les nuits, les heures d’angoisse à penser et repenser les décisions, la gorge serrée tellement le risque est énorme. Les insomnies par trop de certitudes envolées.
Partir, c’est renoncer, renoncer pour reconstruire ailleurs, mais encore faut-il que l’on vous ouvre les portes. Sans famille et sans amis, le quotidien peut sembler effrayant et c’est avec la meilleure et la plus grande volonté du monde que l’on tend des sourires, que l’on tente des conversations, même banales, afin de tisser des liens et reconstruire un environnement, des relations, des amitiés.
Alors je te remercie la maman indifférente, voire étrangement apeurée à l’idée de voir se côtoyer nos enfants, car grâce à toi, je prends conscience de l’étroitesse d’esprit de certaines personnes et cela me conforte dans l’idée de vouloir toujours chercher le meilleur pour mes enfants, loin, très loin de personnes comme toi. L’inconnu, l’étranger fait peur, sans nul doute, je viens d’en faire la triste expérience. Toi, tu es sécurisée ici, ta famille, tes amis, ton clan… c’est rassurant, c’est réconfortant. Je ne te souhaite malgré tout pas d’avoir un jour à choisir entre cette sécurité apparente et le bien-être des tiens. Je ne te souhaite pas la solitude et l’isolement, la peur du lendemain et le doute face aux choix que tu as faits. Enfin je ne te souhaite pas de devoir modifier la vérité à tes enfants afin de justifier la bêtise humaine, celle dont tu as fait preuve et qui finalement te définit à mes yeux.
Ma fille n’avait qu’une seule intention, sache-le, c’était de dire bonjour à son ami, un simple bonjour. Elle n’a pas été blessée par ton attitude car je lui ai expliqué que vous étiez pressés…tellement pressés que tu as détourné les yeux quand je t’ai souri… juste un sourire mais d’une étrangère qui ne te voulait pas forcément de mal. Me répondre n’aurait pas changé mon quotidien, mais il m’aurait apporté un peu de bien-être, de lien social, bref de chaleur.
Cependant, je continuerai à sourire car c’est le modèle que je veux donner à mes enfants afin qu’ils n’oublient jamais qu’un sourire cela ne coûte rien, c’est gratuit, c’est juste l’expression de soi, d’un sentiment immédiat. Un sourire peut même cacher une peine, il peut soulager, rassurer, il peut être intime, sincère, sans artifices, mais surtout il peut faire du bien aux autres et faire entrer un rayon de soleil dans une vie en plein bouleversement.
Merci pour ce magnifique texte et pour la force de caractère font vous témoignez. Je rêve de tisser des liens avec une amie comme vous.