Je suis une voyageuse enfermée dans une tour de béton. Je suis une bohème étourdie par ses responsabilités. Je suis une artiste coincée dans une étroite société. Je suis une amoureuse de l’amour, une libertine exclusive, une gipsy entourée de cravates et j’ai besoin de rêver.
J’aimerais prendre le volant et voir défiler le bitume et les paysages autour de moi, sans attaches ni scénarios, le vent dans les cheveux et un fond de bluegrass un peu redneck dans les oreilles.
J’ai envie de me bâtir une cabane de couvertures au salon en oubliant l’âge que j’ai. Je veux m’installer sous une tonne de coussins, trop d’alcool entre les mains, et refaire le monde toute la nuit.
J’ai le goût d’aller me perdre au fond d’un bois, d’allumer un feu douteux et de gratter la guitare pendant des heures sans spectateurs. Je m’imagine m’endormir congelée dans un sac de couchage mal isolé en admirant les étoiles que la ville a perdues.
Je veux me mettre à danser librement en pleine allée d’épicerie parce que c’est ma chanson préférée que j’entends.
J’ai envie d’enfiler une robe classe et mes Vans pour aller m’offrir une bouffe de luxe au Laurie Raphaël en commençant par le dessert.
J’aimerais complimenter et embrasser candidement un inconnu en pleine rue qui aurait l’air de passer une mauvaise journée.
Je veux aller voir les feux d’artifice éclater devant mes yeux et me mettre à pleurer, impressionnée, sans essuyer mes larmes pour les dissimuler aux autres.
J’ai envie d’aller me baigner nue dans le spa chez un voisin à son insu ou de grimper la clôture d’une piscine publique et y sauter toute habillée comme si je vivais dans un film d’ado prévisible.
Je veux aller dans un bar karaoké et pogner le fou rire en plein milieu de ma chanson quétaine parce que je ne sais pas chanter et que je ne suis tellement pas sur les temps.
Je veux faire la touriste dans ma propre ville pour admirer ce que j’ignore au quotidien et aller patiner des heures durant sur sa patinoire extérieure en pleine nuit.
J’aimerais sortir faire mes commissions sans soutien-gorge, une casquette sur la tête et un jeans large de garçon qui tient de peine sur mes hanches sans me soucier de ce que le reste de la terre en pense.
Je veux aller me perdre devant la scène d’un théâtre extérieur, me laisser bercer par une comédie musicale ou me prendre deux films d’affilée au cinéma.
J’ai envie d’aller me coucher dans l’herbe et de regarder les nuages passer en leur donnant des noms ou en me demandant d’où ils viennent et où ils vont.
Je veux écrire à la main avec une vieille plume une lettre imprévue pleine d’amour et de lumière et l’envoyer à une adresse inconnue pour faire sourire le destinataire.
J’aimerais ouvrir un roman et plonger dedans naïvement, dévorer chaque ligne l’une après l’autre et ne le refermer que lorsque je l’ai terminé.
Je veux suivre un cours à l’université qui n’est en rien utile à ma carrière, mon avancement ou mon développement juste parce que le sujet fait plaisir à mon cœur.
J’ai le goût d’aller m’asseoir au bout du quai, une vieille veste de chasse carreautée sur le dos, laisser pendouiller mes pieds, regarder le soleil faire reluire le lac et remercier l’univers d’exister.
Je veux emplir la maison de chandelles et passer la soirée sans électricité à jouer aux cartes, une bière tiède pas trop loin.
J’aimerais participer à un quiz télé ridicule, visiter une plage nudiste, fumer un cigare et compléter un cube Rubik juste pour mettre une couple de crochets de plus sur ma liste.
Je veux des plans pas de plans, avec moi, avec toi, avec les enfants et avec tout le monde qui compte vraiment.
Je ne veux plus qu’on me parle de ce qui manque à l’épicerie, de pourquoi mon enfant s’est fait recadrer à l’école aujourd’hui ou de la facture d’Hydro qu’il faudrait bien que je paye bientôt.
Je ne veux pas être la mère des uns, la femme d’un homme ou l’employée d’un autre. Je veux être ni maternelle, ni séduisante, ni efficace.
J’ai le goût de vivre, aujourd’hui, là maintenant. Respirer. Triper. Exister. Je suis une bohème et je veux vivre autrement.
A un moment de sa vie on ressent cette envie de n’être que soi dans toute la folie du monde ou dans toute la paix du monde, d’être ailleurs…
C’est que quelque part on a touché le bout de quelque chose d’impalpable, le bout de soi-même… Qui suis-je ? Suis-je à la bonne place ? Qu’est-ce que je fais là ? Comment je suis arrivée la ? C’était ma place ou bien je me suis trompé de route ?
Tu étouffes… et l’envie de t’endormir nue au soleil au bout du monde, de voler au dessus de la vie et la voir sans qu’elle puisse t’atteindre… S’échapper et dormir… dormir
Tu as atteint l’épuisement de toi… Et pourtant il va falloir continuer. Et ça dure longtemps longtemps… et aujourd’hui c’est vraiment trop long. Ils ont tous quitté le nid et tu es là seule sur ta branche à l’hiver de ta vie…
Tout a passé si vite et ça été pourtant très long, et je ne sais toujours pas si j’étais sur ma bonne route, mais je n’ai plus le choix… j’irais au bout, quelle qu’elle soit. Je vous aime mes enfants, mais vous avez bouffé ma vie, j’espère juste que vous vivrez la votre sans trop vous tromper.