Ma fille,
Quand j’ai appris que j’étais enceinte de celui qui allait devenir ton petit frère, j’avoue avoir un peu paniqué. Ce petit être était désiré et attendu, tout autant que toi, mais le concret de la chose a aussitôt créé chez moi une angoisse incontrôlable. Une angoisse, une anxiété et des craintes qui ne m’ont plus quittée tout au long de ma grossesse. En fait, ma puce, j’avais peur pour toi. Du haut de tes même pas deux ans, j’avais peur que tu perdes ta précieuse et unique place. J’avais peur de ne plus avoir suffisamment de temps à te consacrer, peur de perdre le lien solide qu’on avait construit à coups de promenades au parc, de jeux et de bricolage ensemble, juste toutes les deux. J’avais surtout peur, ma poulette, de ne plus être à la hauteur de la maman que tu méritais, toi la petite merveille que j’avais créée en premier.
Puis, ton petit frère est finalement arrivé un beau jour de printemps. Et l’angoisse qui m’habitait a augmenté en même temps que la réalité devant laquelle je me retrouvais maintenant. Je n’avais effectivement plus autant de temps à te consacrer. Tu perdais effectivement de façon un peu soudaine, autant pour toi que pour moi, ta précieuse et unique place dans notre famille. Nos moments juste toutes les deux s’étaient effectivement transformés en moments juste tous les trois, entrecoupés dorénavant de biberons, de pleurs et de changements de couches. Mon temps était maintenant constamment partagé entre vous deux, et je m’en suis voulu longtemps. De t’enlever de mon attention. De t’obliger à partager ta maman si tôt dans ta courte vie. Je l’avoue, ma fille, je me suis même parfois demandé à quoi j’avais pensé en faisant un deuxième enfant.
Et puis, les années ont passé. Et le temps a heureusement fait son œuvre. Tu as grandi et ton petit frère aussi. Et c’est alors que j’ai réalisé. J’ai réalisé que je ne t’avais finalement pas enlevé ta place, mais que je t’en avais plutôt créé une nouvelle. J’ai réalisé, finalement, que je t’avais en fait offert le plus beau cadeau qui soit, celui d’être une grande sœur, sa grande sœur. J’ai compris aussi que ton petit frère t’avait permis, sans le vouloir, de développer une patience en or, une ouverture extraordinaire et un sens des responsabilités quasi-inébranlable. Et j’ai aussi compris que toi, à ta façon, tu l’avais aidé, et tu l’aides encore, à devenir tranquillement la meilleure version de lui-même, en dépit de ses difficultés et en valorisant ses forces comme seule toi sais le faire.
Aujourd’hui, chaque fois que je te regarde en prendre soin avec tellement d’amour et d’attention, je ne m’en veux plus. Chaque fois que je te vois lui préparer des surprises et veiller à ce qu’il demeure en sécurité, je suis émue. Chaque fois que je suis témoin de votre complicité, je sais que j’ai fait le bon choix.
Non, tu n’auras plus ta maman pour toi toute seule, mais tu auras encore mieux.
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