Ma belle amie,
Je me rappelle encore à quel point l’annonce de ma grossesse t’a rendue heureuse. À quel point tu trépignais d’impatience à l’idée de rencontrer ce petit être qui grandissait au creux de mes entrailles.
Je me rappelle aussi de la distance qui s’est sournoisement installée entre nous pendant les neuf mois où mon corps et mon cœur se sont consacrés à temps plein à la construction de celui qui allait devenir le centre de mon existence. J’étais fatiguée, je ne pouvais pas boire et je croulais de sommeil le vendredi soir à sept heures et demie alors que toi, tu t’apprêtais à sortir faire la fête. Je suis consciente que rien de ce que je faisais ou de ce qui me préoccupait ne me rendait particulièrement attrayante et je suppose que c’est ce qui explique pourquoi nous nous sommes peu à peu éloignées.
Suivant mon accouchement, tu es la première personne à qui j’ai téléphoné de l’hôpital, avide de t’annoncer la bonne nouvelle et de t’expliquer en long et en large comment s’était passé mon accouchement. Ce genre d’histoire intéresse rarement quiconque au-delà de la personne qui la raconte, mais tu m’as écoutée avec attention même s’il n’était pas plus de sept heures du matin et que tu n’avais pas encore pris ton premier café.
Je suis restée à l’hôpital pendant trois jours, mais tu n’es jamais passée me voir. Les visiteurs se succédaient et toutes les fois que la porte de ma chambre s’ouvrait, mon espoir d’apercevoir ton visage s’amenuisait.
Les mois suivant la naissance de mon fils se sont avérés périlleux comme pour la plupart des mamans et le temps me manquait cruellement. Malgré tout, je t’ai tendu des perches. J’avais envie d’entendre le son de ta voix et toutes tes paroles aussi réconfortantes que rationnelles quand je craignais de perdre la tête. Mais tu retournais rarement mes appels.
On s’est bien vues cinq ou six fois pendant lesquelles j’ai fait garder mon fils pour qu’on puisse prendre une bière. Mais tu n’as vu mon garçon que par hasard deux ans plus tard. Tu n’as jamais cherché à le voir et même s’il va de soi que tu ne me devais rien, je n’ai jamais compris comment tu ne pouvais pas avoir cherché à voir le petit être le plus important de la vie de ta meilleure amie.
Nos chemins se sont finalement séparés définitivement quand je me suis mariée et que tu n’es pas venue.
Je t’en ai voulu. Beaucoup.
Puis j’ai compris. J’ai compris que la vie adulte et toutes ses obligations nous obligeaient à faire des choix. Parfois par manque de temps, d’autres fois par manque d’intérêt et souvent des deux.
La vérité, c’est que tu ne m’avais simplement pas choisie parce que d’autres te comblaient autrement et mieux et il serait très égoïste de ma part de t’en vouloir d’avoir su écouter ce que ton cœur te dictait.
Le mien me dicte toujours que tu lui manques. Mais ma tête a cessé de te choisir.
Jamais je n’oublierai le temps que nous avons passé à refaire le monde devant une bouteille de vin. Ni toutes les larmes que nous avons déversées sur nos peines d’amour dans notre jeune vingtaine. Ni celui que nous avons passé à nous faire casser les oreilles dans des spectacles de musique qui me feraient dresser les cheveux sur la tête aujourd’hui.
Je t’aime mon amie et je te souhaite une belle vie.
Laisser un commentaire