Toi, le parent pauvre. Celui qui vit sous le seuil de la pauvreté.
Que tu sois monoparental ou non, travailleur ou non, instruit ou pas, on te fait la vie bien dure, sans considération pour les raisons qui t’ont mené à la précarité. Une séparation dans laquelle tu as beaucoup perdu. Une perte d’emploi. La maladie, ou pire, celle de ta progéniture. Des troubles de santé mentale, foutu mal invisible. Une grossesse surprise qui a chamboulé tes plans. Un profond manque de confiance en toi. De mauvaises décisions qui demeurent encore aujourd’hui lourdes d’impact. Des difficultés d’apprentissage jamais détectées qui te laissent avec un piètre bagage scolaire. L’immigration, dans l’espoir d’un avenir meilleur.
Tu n’as peut-être connu rien d’autre que la pauvreté dans ta vie, parce que tes parents t’ont appris que tu es né pour un petit pain et que tu n’es pas doté d’une très grande ambition. Ou bien tu avais beaucoup d’ambition, de grands rêves, mais tu n’as jamais trouvé ta place sur le marché du travail et pendant ce temps, ton diplôme perd de sa valeur.
Quoi qu’il en soit, toi, le parent pauvre, on te critique, on te juge, on te malmène. Franchement, qu’est-ce qui t’a pris d’avoir un enfant alors que tu as de la misère à manger? Voyons, faut que tu sois placé : ta maison, ta bonne job. Tu as fais exprès de te mettre dans le trouble! Maudit(e) paresseux(se), t’as juste à aller travailler!
Les commentaires sont peu élogieux à ton égard. Certes, la sécurité financière facilite la vie des parents. Par contre, entre toi et moi, le portefeuille ne fait pas le parent.
Tu travailles autant que possible, mais ton maigre salaire ne suffit pas à joindre les deux bouts. Horaires variables, heures instables, peu ou carrément pas d’avantages sociaux…. tu travailles fort, mais n’en mènes pas large. Des mieux nantis sont condescendants envers toi, comme si ton emploi définissait ce que tu vaux. On le sait bien, t’sais, les emplois au salaire minimum, c’est pour les étudiants ou c’est un salaire d’appoint dans une famille, ce n’est pas un gagne-pain à proprement dit.
Si tu reçois de l’aide sociale, honte à toi! Tu vis au crochet de la société, tu devrais être reconnaissant, tu dois tout aux travailleurs… Pourtant, personne ne considère que dans certains cas, le système québécois étant ce qu’il est, tu gagnes parfois plus à vivre au crochet de la société qu’à aller travailler. Que l’emploi avec horaires variables et heures incertaines, dans une épicerie, un restaurant ou dans une usine sur appel te coûte une beurrée de gardienne et de transport, sans compter la couverture de frais médicaux dont tu ne bénéficieras plus quand tu perdras ta précieuse carte-médicament. Nul ne pense à la cueillette de l’aide alimentaire dont tu as toujours besoin malgré tes revenus d’emploi : c’est le mercredi après-midi uniquement et si tu la sacrifies, ta facture d’épicerie écopera. Oui, il arrive que les sacrifices surpassent les bénéfices, un emploi engendre des coûts. Donc, en bout de ligne, mieux vaut rester à la maison pour le bien de ta troupe le temps que les enfants grandissent. Tu fais le constat de cette déficience de notre système. Tous la décrient, mais personne ne propose de réelle solution.
Alors toi, tu endures, tu encaisses. La fierté, l’épanouissement dans tout ça? Toi, tu ne vis pas.
Tu survis. Ta priorité, c’est d’avoir du pain sur la table. Dans d’autres cas, tu n’as pas beaucoup de réussites à ton actif et c’est à travers la parentalité que tu trouves ta fierté, t’épanouis, bien plus que dans n’importe quel emploi. Peu importe, aussitôt que ton statut d’assisté social perdure, on t’appose une étiquette. Beaucoup aiment le croire, mais les assistés sociaux ne sont pas tous des bougons de génération en génération. Tu le sais, mais ça ne fait pas moins mal. On a peu conscience des ravages de cette étiquette sur ton estime, au point parfois où tu les assimiles et t’éloignes encore plus de la vie active. Pourtant, tu n’es pas toujours, même pas la majorité du temps, un profiteur.
Toi, le parent démuni, je te vois aller. Tu peines à offrir à tes enfants un toit convenable, une assiette bien remplie sur la table. Tu trimes dur, très dur. En tant que parent, on trime tous dur, sauf que toi, tu pars de plus loin. Mais rassure-toi, compte en banque bien garni n’est pas gage d’une éducation réussie. Mets-y l’énergie et tes enfants ne seront pas laissés en reste.
On peut me lancer des roches, me critiquer, me dire que je ne sais pas de quoi je parle. Sauf que la travailleuse sociale que je suis t’observe et t’accompagne au quotidien, te côtoie dans les organismes communautaires avec lesquels elle collabore. Que leurs parcours soient parsemés d’erreurs ou que le malheur les ait happés, je vois des parents créatifs, persévérants et impliqués qui légueront sans nul doute à leurs enfants des valeurs humaines et une conscience plus fine des futilités du matériel, que l’abondance ne saurait enseigner à un enfant.
Merci Maman cinglante. Ton apport nous fait du bien et on se sent beaucoup moins seules après t’avoir lu.
Merci ! Merci ! Merci !
Wow!!!! Quel beau texte!!!! Bravo à toi, la travailleuse sociale qui accompagne et encourage ces mamans à surtout se faire confiance dans le rôle le plus difficile de la vie!
Tellement vrai que les comptes de banque ne sont pas une gage de l’éducation des enfants… et tellement malheureux que ceux qui en ont des gros se pensent au-dessus des autres pour cette raison.
Merci, merci, merci
Je me reconnais dans ce beau texte, qui m’a donné du baume au coeur comme quoi je ne suis pas si nulle que ça, je ne suis pas seule dans ma « merde »
Le passage qui a touché juste, c’est « un profond manque de confiance en toi » C’est ça qui a pourri toute ma vie professionnelle. Vie professionnelle minable et encore plus minable à cause des délocalisations, crises.
Je lutte pour ne pas sombrer dans la dépression à cause de mon chômage récurrent, alors que je me sens parfaitement épanouie dans ma vie de femme, de mère et ce qui me sauve, c’est une vie spirituelle très forte.
Vous me direz, pourquoi ne pas se contenter de rester mère au foyer ? Parce que les fins de mois sont très difficiles, on est tout le temps en train de compter, de se priver, à présent, je ne mange plus tous les soirs pour économiser.
J’aimerais tellement pouvoir travailler pour respirer un peu, manger sans me faire du souci, aller de temps en temps chez le coiffeur, m’acheter de temps en temps un vêtement…
Je ne suis pas une parasite, je ne profite pas de mon chômage pour aller en vacance comme certains on dit en France ! On souffre assez comme ça,
pourquoi en rajouter une couche ? C’est comme donner un coup sur la tête de quelqu’un qui se noit…
Tout ceci me rend très triste