Mes beaux-enfants,
Je suis l’heureuse élue qui vous sert de belle-mère. Je suis votre troisième parent. Je suis partie intégrante de notre famille recomposée. Je suis aussi et surtout la blonde de votre père, celle qui a choisi de sauter à pieds joints dans une vie familiale qui m’était jusque-là inconnue. Mais soyons bien honnêtes : je savais qu’en acceptant toute cette dynamique, je m’embarquais pour un mandat à temps partiel, à moins de circonstances exceptionnelles.
La vérité, les filles, c’est que c’est bien de vous voir arriver le vendredi après une semaine d’absence. On s’ennuie toujours un peu plus quand on n’a pas vu quelqu’un durant une certaine période de temps. C’est ce qui fait que j’apprécie votre arrivée un vendredi sur deux. Vous me racontez vos péripéties, ce qui se passe dans vos petites vies de fillettes du primaire, vos joies et vos peines. Vous me racontez ce que vous avez fait de beau chez votre mère, ce que vous avez mangé, comment ça s’est passé. Chacune votre tour, vous me dites ce que l’autre a fait de mal parce que vous êtes des sœurs et que c’est aussi ce que ça fait des sœurs, parler des moins bons coups de l’autre histoire de briller un peu plus.
Rapidement, votre père et moi reprenons votre beat effréné qu’on avait eu le temps d’oublier un peu. On doit souvent vous ramener à l’ordre pour vous rappeler les consignes et les tâches qu’on attend de vous, tâches que vous semblez toujours oublier. Vos demandes incessantes se multiplient. Puis vos rires qui laissent présager que ça se terminera mal si vous continuez de vous énerver. Parfois on intervient, d’autres fois on préfère ignorer les signaux de la tornade qui se prépare en buvant un verre de vin. Souvent, vous vous tapez sur les nerfs. L’une touche l’autre avec son gros orteil dans le bain, ce qui déclenche une horde de cris stridents et de demandes d’intervention perpétuelles auxquelles il arrive qu’on réponde quand on est vraiment irrités. Quand ça arrive, j’avoue que je me rappelle de la semaine où vous étiez chez votre mère. Je repense à nos moments de complicité où nous n’avons qu’à penser à nos besoins, nos envies du moment, nos activités, votre père et moi. Je pense à toutes ces opportunités que nous avons de nous mettre nous deux en priorité et je l’avoue sans m’en cacher, il m’arrive d’avoir hâte de retrouver votre père juste pour moi.
L’heure des repas représente un défi de taille chez nous. Parfois, je fais le bonheur de tout le monde avec un bon classique de mon très court répertoire que notre famille apprécie à l’unanimité et vous me faites des éloges et en redemandez! Plus souvent qu’autrement, impossible de vous plaire à toutes les deux à table. Quand j’essaye d’y intégrer des nouveautés, je finis par bouillonner intérieurement lorsque je croise la moue de dégoût qui vous traverse le visage, moue qui me sert de feed-back culinaire. Quand ça arrive, j’avoue que je me rappelle de la semaine où vous étiez chez votre mère. La planification des repas est si simple quand vous n’y êtes pas! Deux adultes qui mangent de tout, ça règle vite la question des soupers. On en profite parfois pour aller manger au restaurant tous les deux. On prend le temps de jaser, de se retrouver, de savourer le moment. Quand je vous vois grimacer, je l’avoue sans m’en cacher, il m’arrive d’avoir hâte de retrouver votre père juste pour moi.
Je vous aime autant qu’il m’est possible de vous aimer. La preuve : je suis très impliquée dans vos vies, je me creuse la tête pour organiser des activités qui sauront vous plaire, des surprises qui sauront vous faire sourire, des bricolages qui sauront vous amuser et parfois, oui parfois, des repas qui sauront vous satisfaire! J’aime quand vous me racontez vos histoires, ce que vous faites à l’école, vos préoccupations, vos rêves et vos craintes. J’aime quand on joue à des jeux de société en famille et que vous voulez désespérément gagner. J’aime quand vous vous mettez en pyjama et qu’on écoute un film tous les quatre sur le divan. J’aime que vous vous confiiez parfois à moi et que vous me demandiez conseil. J’aime quand vous voulez passer du temps seule à seule avec moi.
Mais parfois, oui parfois, j’aime aussi vous voir sur le seuil de la porte le vendredi matin, sachant très bien qu’après le travail, je passerai du temps de qualité avec mon chum. Parce que bien avant d’être une belle-mère, un troisième parent, une partie intégrante de votre famille recomposée, je suis la blonde de votre père.
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