J’ai quarante-six ans et je me souviens.
J’ai six ans. Je me trouve trop mince. Je suis filiforme. Toutes les petites filles du monde en rêveraient, sauf moi. Moi, je me trouve trop plate. J’aimerais donc ça avoir des courbes, des hanches, des fesses… Un corps de femme.
J’ai dix ans. Les formes prennent leur place avec une jolie petite couche de mou provenant de la cuisine exceptionnellement bonne de ma mère. J’ai de belles pommettes rondes et des hanches que je trouve vraiment beaucoup trop larges. Je ne me trouve pas vraiment grosse, mais j’aimerais bien avoir des hanches plus étroites. Juste un peu.
J’ai seize ans. Autour de moi, les filles font des régimes. Moi, je n’aime pas la bouffe de la cafétéria. Comme j’y mange souvent, je mange peu avec pour résultat que je suis mince comme Kate Moss. Je ne comprends pas pourquoi les filles autour de moi veulent être plus minces. Moi, je me trouve ben correct. Sauf mes hanches. Maudit qu’elles sont trop grosses. Avec les os saillants, on dirait qu’elles sont encore plus grosses. Sauf que ce sont des os. Je ne suis pas niaiseuse. On ne peut pas réduire la taille des os en faisant des régimes. Fait que je ne fais pas de régime.
J’ai vingt-six ans. Après quelques années à accumuler des kilos émotifs, j’entreprends un premier régime. Je m’inspire d’un menu disponible dans une revue de filles de ma coloc. Un truc full protéiné et vraiment simple à suivre (dans le sens que je ne mange pas grand-chose). Ça marche! Je fonds à vitesse grand V et retrouve ma shape d’ado. J’aime même mes hanches. C’est l’apothéose.
J’ai trente-six ans. Les grossesses derrière ma cravate et beaucoup de fatigue accumulée ont laissé des tas de kilos sur mon ossature. Bien au-delà des hanches, j’ai des formes partout. Les kilos s’accrochent malgré mes tentatives de régimes à répétition. Plus j’essaie, plus je m’en colle. Paraît que c’est parce que je ne suis pas suffisamment disciplinée. Si je persévérais un peu plus, si je changeais vraiment mon mode de vie, je retrouverais la capacité de m’habiller ailleurs que dans les tailles plus.
J’ai quarante-six ans, pis j’en ai vraiment marre de la pression que je me mets sur les épaules. J’ai vraiment envie d’arrêter de m’en faire avec mon poids. Seule, toute nue devant mon miroir, je me trouve pas mal jolie. Elles sont belles mes courbes. Si seulement c’était aussi simple au quotidien.
Je sais que la pression que je me mets ne vient pas vraiment de moi. Je passe mon temps à croiser des filles de vingt ans, pas de rides, pas de mou, pas de cheveux blancs. Quand elles ne sont pas placardées en extra large sur les façades des boutiques, elles pop sur mes réseaux sociaux pour me montrer comment je peux retrouver un body d’enfer en seulement 15 minutes d’entraînement par jour. Come on! Donnez-moi un break de bullshit.
S’accepter, c’est une chose. Lutter contre le courant, c’en est une autre.
Maudites courbes.
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