Ma belle amie,
Le jour où tu m’as raconté ton histoire, j’ai tout de suite su que j’avais devant moi un spécimen rare de femme forte. Et j’ai tout de suite su que je t’adorerais pour ça.
Tu étais presque à terme de ta deuxième grossesse, tu voyais poindre au loin le fil d’arrivée d’une grossesse relativement ardue, quand l’indicible est arrivé. Tout allait bien, jusqu’à ce que ça n’aille plus. Plus du tout.
Quand je suis tombée enceinte, j’ai senti à travers tes félicitations un brin d’inquiétude. C’est plus fort que toi, tu as si peur qu’une de tes amies vive ce que tu as dû traverser. Tes questions sur le déroulement de ma grossesse n’étaient jamais innocentes; tu avais peur pour moi, pour mon bébé.
Quand tu as su que j’attendais une fille, le rapprochement avec la tienne s’est fait automatiquement. Jusqu’à la toute fin, tu as gardé une petite distance, de peur peut-être de t’attacher, encore.
Et j’ai accouché d’une poulette en parfaite santé. Je crois avoir senti du soulagement dans tes félicitations, cette fois. Mais longtemps tu as refusé de tenir ma fille dans tes bras, de peur de fondre en larmes. Qui pourrait t’en vouloir?
Mon amie, tu as vécu la pire épreuve qu’une mère peut vivre. Quand tu m’as raconté tout ça, mon cœur s’est brisé en mille morceaux. J’étais triste; triste que ta fille ne connaisse jamais ce monde, mais surtout triste que tu aies dû traverser ça. Toi tu étais là, forte comme un roc, à me raconter ton histoire sans la moindre larme au coin de l’œil, alors que moi, simple auditrice, je m’effondrais.
Et puis j’ai compris que c’était ta façon à toi de la faire vivre un peu, que c’était ça, son histoire à elle, et qu’elle méritait qu’on en parle, qu’on dise encore son nom. Parce qu’on ne fait sans doute jamais le deuil d’un enfant; on le traîne avec nous, pour toujours.
Et ce jour-là, j’ai surtout appris qu’une maman pouvait survivre au pire.
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