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Dans mon temps, ma fille

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Il n’y a pas si longtemps, ma fille, j’étais une enfant moi aussi. Même si à tes yeux, mes vénérables trente-deux années me qualifient sans doute de dinosaure, je t’assure que c’était il n’y a pas si longtemps. Je me souviens aussi que ma mère n’avait probablement jamais entendu parler du Mieux Vivre, parce qu’il y a deux-trois petits trucs qu’on faisait « dans mon temps » qu’il est clairement moins acceptable de faire aujourd’hui.

Je me souviens des dizaines de soirées passées en compagnie d’adultes sous un smog de cigarette. Les yeux nous piquaient, la gorge nous grattait, mais personne autour ne semblait trouver ça scandaleux d’emboucaner les enfants. On finissait la plupart du temps par dormir en boule dans le coin d’une pièce ou sur deux-trois chaises alignées, jusqu’à temps que nos parents nous récupèrent et nous couchent sur le siège arrière de la voiture pour revenir à la maison. L’importance du sommeil réparateur et de la routine du dodo étaient des concepts encore un peu flous à l’époque.

Je me souviens des baignades pas de flotteurs, des balades à vélo pas de casque. Je me souviens d’avoir eu peur deux-trois fois dans la piscine à vagues, d’avoir pris quelques bouillons par le nez et d’avoir évité de peu la catastrophe lors d’une collision à vélo, mais à cette époque, on n’avait surtout jamais entendu parler de noyade sèche ni de commotion cérébrale.

Je me souviens des soupers dans le salon devant la télé avec ma mère, où on ne mangeait clairement pas les quatre groupes alimentaires. À ce moment-là, je trouvais juste ma mère cool de faire une exception et de me faire souper aux crêpes dans le sirop d’érable, mais maintenant je comprends qu’elle était probablement juste épuisée de sa journée et qu’elle voulait faire ça simple.

Je me souviens des promenades en moto avec mon père. Mes petits bras ne faisaient même pas le tour de son corps et je ne voyais pas ce qui se passait devant nous, mais notre code c’était de lui squeezer les côtés si je trouvais qu’il allait trop vite. Et je l’ai fait. Souvent. J’en ai même perdu mes lunettes de soleil, une fois.

Je me souviens d’avoir passé des journées entières avec ma mère à son travail en raison d’une journée de tempête imprévue ou parce que j’étais malade et qu’elle ne pouvait pas prendre congé. Je m’assoyais par terre avec 2-3 bébelles et je trouvais ça tellement plus amusant de faire semblant de travailler plutôt que d’aller à l’école.

Je me souviens aussi de tous ces midis où je rentrais dîner seule à la maison, ma clé dans le cou. Je n’avais peut-être pas un beau dîner tout chaud qui m’attendait sur la table, mais j’avais quand même une maman au bout du fil qui s’assurait que tout allait bien et qui, je le réalise aujourd’hui, avait infiniment confiance en sa fille de dix ans.

Tout ça pour dire que, « dans mon temps », il y a plusieurs choses qui se passaient différemment que dans le tien. Mais de toutes ces choses qui seraient sans doute décriées aujourd’hui, je garde d’excellents souvenirs qui ont peut-être un peu fait la personne que je suis aujourd’hui.

Alors ma fille, je te promets d’essayer de temps en temps de mettre de côté mes craintes et ma peur du jugement pour te laisser, toi aussi, sortir un peu du cadre de ce qui est recommandé par tous ces beaux spécialistes qui savent mieux que nous comment élever des enfants.

Crédit : Sharomka/Shutterstock.com

Audrey Gauthier

Parents d'une seule et unique fille, mon chum et moi sommes à peu près certains de préférer être en avantage numérique pour élever cette magnifique bête-aux-yeux-bleus qui semble avoir tiré le meilleur (ou le pire?) de nos deux caractères à la loterie de la génétique. Ayant une petite tendance à couver - même les gens que je n'ai pas pondus! - je ne serai toutefois pas récipiendaire du trophée de la maman de l'année! Avec mes failles et mes travers, j'essaie quand même d'être la meilleure maman possible pour ma fille, en me disant qu'au mieux je lui apprendrai à voir la beauté dans l'imperfection!

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