Tu as six mois, bientôt sept, ça fait d’toi un modèle bien récent.
Tes yeux bleus sont encore si neufs qu’ils sont toujours en pourparlers avec le vert. Ils demandent d’ailleurs encore quelques semaines avant de rendre leur décision finale. Ces mêmes yeux si nouveaux font que tu m’regardes comme si j’étais la huitième merveille du monde malgré mes cernes et mes ch’veux gras. Merci à tes jeunes yeux parce que vois-tu, papa lui, me conseille fortement de prendre une douche et de faire dodo.
Tes petites dents ont finalement réussi à se faire une place, mais elles n’ont encore rien mâché. Ce qui est bien puisque maman a horreur d’entendre croquer. Sans non plus retarder ton développement, laisse-leur le temps veux-tu?
Ton estomac n’a reçu à ce jour, que du bon. Vois-tu, maman snifferait de la cassonade de façon régulière et doit travailler activement sa relation avec la bouffe, surtout en période de grandes émotions, donc vingt-quatre heures sur vingt-quatre dans mon cas. Alors tu comprends que je surveille ce que tu manges de près. Si on t’offre de tremper ta suce dans le sirop d’érable, refuse. Ta langue risque de fondre, c’est ben connu. Et si Papi t’offre un biscuit plein de sucre ramolli par son café, pleure! Je viendrai à ta rescousse et promis que Papi n’aura que des fruits à l’avenir.
Tes intestins, en marche seulement depuis quelques mois, requièrent encore de l’adaptation et me valent plusieurs petits stress. T’as tout compris, ça explique les quelques gouttes de jus de pruneaux dans tes fruits.
Ton cœur, quant à lui, bat très vite, est fort, puissant et il est bien prêt à te permettre d’entreprendre tout ce que tu voudras.
Ton âme est pure, vierge d’émotions poches et d’ondes négatives. Tu es un bébé heureux, sécurisé et si le rire avait une face, il aurait assurément la tienne.
Je voudrais te garder ainsi, mais maman est rêveuse, pas conne.
Viendra le jour où tu seras exposé à des images d’horreur, des scènes troublantes.
Viendra le jour où te dire avec un enthousiasme rare que y’a pas meilleur sur terre qu’un ananas ne fera plus la job. Tu achèteras ce biscuit trop sucré dégoulinant de gras à la cafétéria et tu le mangera pour déjeuner.
Viendra le jour où te dire que t’es le plus beau et que tu es capable de tout ne suffira plus. Les propos blessants de tes pairs à l’école, les jugements de tes collègues au travail, les messages véhiculés par la société et tes propres croyances te plongeront dans le doute. Tu devras ramer fort pour conserver ta confiance et ton estime en dehors du regard de ta mère (en l’occurrence, moi) qui t’aime comme une folle.
Viendra le jour où ça prendra plus qu’une chanson pour te faire rire et où tu devras dealer avec la tristesse d’une amitié rompue, d’un propos blessant. Tu auras à faire face à la déception et devra vaincre la peur. Peur de te faire rejeter, peur de décevoir, peur de ne pas être à la hauteur, d’être blessé, d’échouer, peur d’avoir peur. Tu devras gérer la colère. Celle d’un comportement injuste ou d’une situation hors de ton contrôle, par exemple. Parce que non, bébé, la frustration que tu ressens lorsque l’on t’installe dans ta coquille ne compte pas. Crois-moi bébé, y’a bien pire en terme de colère.
Je vois tout ça venir et je voudrais tellement t’en préserver. Je voudrais t’épargner de toutes émotions négatives, de tout ce qui pourrait être mauvais pour ta santé. Je souhaiterais tant t’éviter de blessure physique oui, mais surtout psychologique. Ce, même si je sais pertinemment que ce sont mes blessures à moi qui me rendent plus forte, qui m’ont permis de grandir, de forger ce caractère que j’ai et d’être la mère que je suis pour toi.
Comme je te le disais, je ne suis pas idiote. J’sais très bien que tout ça découle d’un processus complexe, mais pourtant ben simple : la Vie. Pour l’instant, elle te laisse la chance d’explorer, de retomber sur tes pattes après cette arrivée dans l’grand monde, mais elle te réserve une belle batch de surprises, d’expériences et d’aventures. Pis ça, que ce soit facile ou pas, c’est beau, mon gars.
Malgré le temps qui file, j’dois faire le deuil de t’garder « neuf » parce que sinon, je m’assure de devenir control freak pis surprotectrice et ça, ce serait ben castrant autant pour moi que pour toi. As-tu imaginé deux secondes à quel point j’serais chiante avec les éducatrices de la garderie et quel genre de belle-mère je deviendrais?! Atroce.
Mon bébé d’amour, tu grandiras et rempliras, petit à petit, ton pack-sac d’outils à force de traverser c’que t’enverra miss la Vie. De mon côté, je prends un grand respire en m’empressant de me rappeler que même si l’temps fait sa job comme du monde et t’use, y’a rien de mieux que je puisse faire que d’être là, jamais loin, et de le laisser m’user à tes côtés.
Magnifique comme texte!! <3 t'as du talent belle fille, pis maudit que je t'aime fort 🙂 Bravo mon amie!
Wowww !! J’adore tellement ton texte! J’adore te lire point! Tu es merveilleuse XO Ne l’oublie pas !