Mon bébé, des fois, je te mettrais à vendre sur Kijiji

Mon bébé, il y a des moments où je te mettrais sur Kijiji. Pour pas cher pas cher. En plus, avec les 1245 photos que j’ai de toi en même pas quatre mois, ce ne serait pas le choix d’images à la une qui manquerait!

Quand tu me montres ton petit caractère de cochon, du haut de tes vingt-six pouces, je ne sais plus si je dois rire ou me fâcher. « C’est un bébé, il n’a pas de caprices » qu’ils disent, les gens. Oh! ces gens-là ne te connaissent pas. Car crois-moi, tu sais ce que tu veux en mautadit et tu ne te gênes pas pour le dire. Tu ne dis pas encore de vrais mots, mais tu as découvert que tu pouvais faire des sons, oh! ça oui. Si tu n’as pas de caprices, disons que tu as bien des désirs et que tu les manifestes à voix haute… et forte! Dans ce temps-là, je fais un brouillon d’annonce Kijiji et je passe à deux doigts de cliquer sur « publier ». Mais ensuite, je me rappelle que ton caractère n’est pas né de celui du voisin. Ton caractère de merde, tu le tiens de ta maman, qui en a probablement un encore pire que le tien. Alors je ris, je te donne un gros bec et je t’aime encore plus. Parce qu’au fond, je préfère que tu aies un caractère de cochon que tu n’en aies pas du tout.

Quand tu me fais lever quatre fois la nuit et que tu me tires d’un sommeil peu profond, mais pourtant tellement mérité, et que tu pleures ta vie pour je ne sais pas quelle raison, tu uses de ma patience. La nuit, j’en ai souvent un peu moins d’ailleurs. C’est dans ces moments-là que ton annonce Kijiji se dirigerait plutôt vers la section « à donner ». Et puis là, quand je suis complètement à bout et que je vais te chercher dans ton lit pour une cinquième fois, tu me fais le plus beau sourire du monde : tu sembles si content de me voir arriver dans ta chambre! Alors je te regarde et je souris aussi parce que je craque devant ta petite bette. Je te prends dans mes bras et je me rends compte qu’au fond, ce petit câlin nocturne, je l’aime bien et qu’il va me manquer quand tu seras plus grand. Oui mon garçon, un seul de tes sourires pas de dents me fait oublier tout ça.

Quand tu décides que tu es fatigué et que je fais mon possible pour t’aider à t’endormir, mais que tu me cries dans les tympans au point où ils vibrent et me font mal, j’aurais envie de créer la section « bébés à vendre » dans le site des petites annonces. Tu es un expert lutteur du sommeil, je n’ai jamais vu ça. Et plus tu luttes, plus tu pleures. C’est à se demander ce que je fais de pas correct, parfois. Mais ensuite, quand je suis sur le point d’abandonner et de te déposer dans ton lit pour te laisser pleurer (chose que je suis incapable de faire, mais qui me ferait grandement du bien), tu sombres dans le sommeil, directement dans mes bras. Et c’est là que j’observe ton petit visage si semblable au mien, et tes petites mains détendues avec ta bedaine qui se gonfle d’air et se dégonfle aussitôt. Puis l’amour que je ressens pour toi grandit. Toujours un peu plus. Parce qu’il n’y a pas grand-chose de plus beau sur terre qu’un bébé qui dort.

Non mon garçon, tu n’es pas toujours facile. Tu me donnes le défi de faire mon possible chaque jour et tu me fais réaliser que je suis plus forte, persévérante et patiente que je ne le pensais. J’apprends à te connaître, mais j’apprends aussi à me connaître en même temps. Bref, c’est moi que tu as pigée dans la loterie des mamans, et t’inquiète pas, je ne te mettrai jamais sur Kijiji. Même pas pour un million de dollars. Parce que je t’aime.

… PS : Je me laisse le droit de changer d’idée à l’adolescence… Il doit bien y avoir une section « adolescent à se débarrasser » quelque part?