Mes chers enfants,
J’aimerais vous dire que maman est infaillible, qu’elle sera avec vous pour toujours, mais ça serait vous mentir. Et comme je vous aime beaucoup trop pour vous raconter de telles sornettes, je préfère vous dire la vérité : maman va mourir. Et en attendant ce jour, je me tue à la tâche qui me rend le plus fière – celle de vous élever. Ce faisant, je me rends compte, un peu plus chaque jour, que mes failles et mes faiblesses me rendent vulnérable en tant que maman. Je dois me rendre à l’évidence : je ne suis qu’une mortelle.
Tous les jours de toute la semaine, je me lève avec un demi-sourire. Je craque de partout. Je pense à toutes les acrobaties que j’ai faites la veille (celles faites sans votre papa, je veux dire), qui me rappellent que je n’ai pu vingt ans. Je vous entends vous chamailler avant même que le soleil se pointe le bout du nez. J’ai même pas encore ouvert la cafetière que votre liste de demandes est tellement longue, même écrite en Times-New-Roman-police-taille-8, qu’elle ferait pâlir le premier ministre. Je dois l’avouer : plusieurs fois par semaine certains matins, j’ai carrément le goût de retourner me coucher.
Parfois, sur mon heure de lunch, je sens les cicatrices laissées par mon passé qui semblent vouloir s’ouvrir, s’écarter pour en laisser s’échapper le pus de mes vieilles blessures. Dans mon enfance, puis dans mon adolescence, la maman qui se tient forte devant vous est tombée à plusieurs reprises. Elle a eu peur, elle a eu mal, elle a pleuré. Mais, elle s’est toujours relevée. Les chutes de ma vie ont forgé celle que je suis. Mes parents diraient que ma tête de cochon m’a souvent mise dans le pétrin. Moi, j’aime dire que c’est aussi elle qui m’en a sortie à maintes reprises.
Quand je rentre à la maison le soir, les épaules basses, je regarde mon lit et j’ai le goût de m’y diriger au pas de course… ou du moins à la marche rapide. Mais entre la porte d’entrée et la chambre à coucher, il y a la routine du souper-devoirs-lunchs-bains-pyjamas-histoire-pipi-brossage-de-dents-plusieurs-calins-et-bisous à effectuer, telle une valse qu’on danse les yeux fermés, écoutant son rythme lancinant et effectuant les pas appris par cœur, gardant la cadence de la vie qui va trop vite. Et qui rappelle constamment à moi, votre maman, que la fatigue fait partie de ma réalité depuis des années. Une réalité que j’ai choisie, que j’accepte malgré sa pesanteur.
Mes bébés, aujourd’hui j’ai le goût de vous confier quelque chose : un jour, maman va mourir. Et en attendant ce jour, je souris en accomplissant la tâche qui me rend le plus fière – celle de vous faire grandir, vous faire voir un monde plus grand que nature. Ce faisant, je me rends compte, un peu plus chaque jour, que mes faiblesses deviennent vos forces, faisant de nous, en tant que famille, un noyau infaillible. Je dois me rendre à l’évidence, je ne suis qu’une mortelle.
Mais je serai toujours là, l’étoile la plus haute dans le ciel, celle qui brillera avec vous pour toujours.
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