Des enfants, t’en as jamais voulu, même pas un. Tu as fini par en faire un en te disant que ce serait bien le seul et l’unique représentant de vos gènes à toi pis ton homme. Des héritiers, y’en aurait pas d’autres. Ta grossesse, tu l’as détestée. Oui, détestée. Tous les symptômes possibles, tu les as eus, toi. La phrase « moi, je serais enceinte toute ma vie » n’est jamais sortie de ta bouche. Toi, t’avais hâte d’expulser ce petit être qui prenait chaque jour un peu plus (beaucoup trop en fait) de place dans ton si petit corps. Au lieu de te sentir épanouie et pleine de vie, toi, tu te sentais comme un quatre et demi habité par une famille de six personnes, c’est-à-dire vraiment trop à l’étroit.
Pourtant, la vie a mis une autre petite crevette dans ta bedaine pas trop longtemps après la première. Ton ventre qui se rappelait encore beaucoup trop ce que représentait la confection de petits humains allait servir, une fois de plus, de couveuse. La grossesse n’allait pas être plus fantastique que la première. Moins d’appréhensions certes, mais tout aussi inconfortable, voire invivable pour toi.
Ça fait que par un bel après-midi d’avril, prise en dessous de ton deuxième bébé grandissant dans ton utérus rebondissant, tu t’es retrouvée assise devant le médecin à lui demander une ligature. Malgré toutes les explications, questions et demandes de ce dernier, dans ta tête de fille vraiment trop à boute de porter la vie, tu t’en foutais royalement. En fait, tu l’écoutais à peu près pas. «Si vous vous divorcez et que votre prochain conjoint désire un enfant?», «Si votre enfant à naître meurt durant sa première année de vie?», « Si l’envie vous reprend, un jour, de vouloir un autre enfant »… Tu te disais « Écoute mon gars, tu comprends pas à quel point je suis pu capable et mal en point physiquement, j’en voudrai pas d’autre enfant, je le sais, j’ai trente-trois ans, j’en ai deux en parfaite santé, ça va être ça qui est ça pis il y a vraiment rien que tu puisses me dire pour que je change d’idée ou même que j’hésite ».
T’aurais donc dû l’écouter.
Ton dernier descendant, sans possibilité d’appel aucune, s’est finalement pointé le bout du nez. Enfin, tu te retrouvais avec toi-même. À ce moment-là, c’était évident que pour toi, la boutique était fermée définitivement. Épuisée, vidée et en espérance profonde de retrouver ton visage sans cernes d’avant grossesse (lire ici, que le petit dernier fasse ses nuits), tu embrassais ta ligature à pleine bouche, tu la frenchais même et ne regrettais pas une miette de l’avoir fait faire.
Mais la vie étant ce qu’elle est et le temps faisant son oeuvre, petit à petit, tu te sentais vide, en manque de quelque chose. Il t’a pas fallu longtemps pour figurer que t’étais en manque d’un autre bébé.
C’est là que tu t’es dis que t’aurais peut être dû attendre après avoir accouché avant de décider de te faire choper le canal famille. T’aurais sûrement dû écouter plus attentivement quand le médecin t’a dit de bien réfléchir parce que c’est pratiquement irréversible, une ligature. C’était difficile de prendre une décision éclairée quand tu te reconnaissais plus toi-même pis que t’étais hormonale level 2000. Le médecin, lui, il le savait dans le fond que tu le regretterais éventuellement. Il t’avais bien lue, il insistait aussi pour te faire comprendre, mais toi, tu ne voulais rien entendre. Maudite tête de cochon. Tu es désormais prise avec ton désir de poupon qui ne veut plus partir et qui ne se réalisera jamais.
Mais comme le temps fait toujours son oeuvre et arrange bien les choses, tu vas finir par faire ton deuil de cet enfant que tu n’auras pas et accepter cette ligature que tu regrettes tant. Je te le promets.
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