Ma belle fille,
Parfois, tu reviens de l’école et tu y as laissé ton sourire. Malgré que tu sois un moulin à paroles qu’on doit parfois freiner parce que tu nous étourdis, tu ne parles que très peu de ce que tu vis. Ce n’est pas parce qu’on n’essaye pas de te tirer les vers du nez, loin de là! Tu préfères simplement nous raconter des faits divers plutôt que ce qui se passe dans tes journées au primaire. Quelques rares fois, tu nous laisses entrevoir que tu trouves les relations avec les autres moins faciles. Que les enfants peuvent être méchants! Déjà, à ton âge, vous passez des commentaires mesquins les uns sur les autres. Les filles, surtout, se font tellement la vie dure! Vous apprenez déjà à vous traiter sans respect et on voit déjà poindre les coups de couteau qui parsèmeront certainement ton cheminement au secondaire parce que tout le monde le sait, ça ne va pas en s’améliorant!
La confiance en soi, ça se travaille et s’améliore mais pour certains, on dirait que c’est un outil qui manque à leur coffre. C’est ton cas. Tu doutes beaucoup de toi. Tu valides toutes tes actions auprès d’un adulte avant de les poser. Difficile pour toi de faire des choix ou de réfléchir à ce qui serait la meilleure option pour toi; tu n’es certaine de rien et tu préfères l’approbation d’un adulte pour t’assurer que ce que tu fais est bien. Ce manque de confiance, ça se sent tout de suite. On le voit dans ton non-verbal et il doit transpirer quand les autres enfants te confrontent à l’école. C’est ce qui fait de toi une cible plus facile pour les autres, sans aucun doute.
Ma plus belle aux grands yeux bleus, j’espère que nous saurons, à nous trois, tes parents biologiques et moi, ton + 1, t’équiper pour que tu prennes plus d’assurance. Parce que je sais ce qui te guettera après : le secondaire, la cour des grands, là où les filles sont au summum de la bitchitude. Pourquoi je le sais? Parce que j’ai été l’intimidatrice, moi.
J’ai été dans la chaise opposée à la tienne : une fille qui a confiance en elle, très sociable, une leader qui savait s’entourer de plusieurs amies différentes et qui ne doutait pas du tout d’elle. Une fille qui prenait sa place, une grande gueule qui déplaçait de l’air et certainement quelqu’un qui savait (et sait encore toujours!) lire les autres comme un livre ouvert. On les devine vite, ceux qui sont plus faibles. Pour une raison que j’ignore, ce sont toujours les mêmes qui se font intimider et je dois te dire que je n’ai pas donné ma place. Si je me rappelle encore très bien de tout ce que j’ai pu dire à cette fille du secondaire quinze ans plus tard, je ne peux m’imaginer comment ces souvenirs sont encore gravés dans sa mémoire, comme une vieille blessure qu’on n’arrive pas à guérir. Si ça se trouve, je l’ai marquée au fer chaud avec toutes les méchancetés que je lui ai dites, et surtout avec toutes les filles que j’ai entraînées contre elle. Aujourd’hui, je te vois et je réalise que tu aurais pu être victime de mes paroles, toi aussi.
Ma belle poulette, sache que je ferai tout mon possible pour que tu ne vives pas ce que j’ai fait vivre à une autre fille comme toi. Je tenterai par tous les moyens possibles de t’outiller comme il faut pour que tu puisses revenir de l’école le sourire aux lèvres au lieu de le laisser derrière toi, sur ton crochet. Tu verras qu’à l’intimidation, on dira non!
Laisser un commentaire