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Mon enfant miracle

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Ton histoire a débuté le jour où j’ai aperçu la petite ligne rose qui allait chambouler ma vie à un point que je n’imaginais pas. Tu étais là. Mais tu n’étais pas supposée y être. Je n’appellerais pas ça un accident : je dirais plutôt que c’était le début du miracle que tu es, ma belle enfant.

Après quelques minutes d’instabilité émotive, j’ai accepté ta présence en moi. Avec ma tête, mais surtout avec mon cœur. Je te gardais. Tu étais à moi, à nous.

Ce que je ne savais pas encore, c’est que le chemin serait ardu afin de te rendre à destination. Que la vie avait décidé que pour t’avoir un jour dans mes bras, je devrais déplacer des montagnes. Et surtout, croire en toi, ma belle enfant.

Quelques semaines passèrent, je m’habituais à ta présence au creux de mon ventre. Ce ventre qui me faisait si mal. Par un bel après-midi ensoleillé, on m’annonça froidement que mes douleurs étaient fondées : tu étais morte. Oui, ma fille, tu as bien entendu. Ces spécialistes en qui j’avais confiance m’ont affirmé que la vie s’était enfuie de ton minuscule corps. Et que je devais maintenant attendre que tu fasses ton chemin hors de moi.

J’ai attendu deux longues semaines. En croyant que je ne connaîtrais jamais le bonheur de te voir sourire un jour. Je faisais mon deuil. Tu ne serais pas le nouveau membre de ma famille.

Puis, comme tu tardais à sortir de mon ventre, je suis retournée voir ces spécialistes qui, ce jour-là, m’ont redonné vie en me disant que toi, tu avais repris la tienne. Tu étais vivante. Comment? Pourquoi? Je ne le sais pas, ma belle enfant. Mais dans le petit écran devant moi, tu bougeais. Ton petit cœur clignotait au même rythme que le mien.

Dès cet instant, j’ai su que tu étais mon bébé miracle.

Nous avons eu droit à quelques jours d’accalmie, toi et moi. Puis, un matin, j’ai reçu un appel téléphonique qui me scia les deux jambes. Qui me fit un trou dans le cœur. Ils avaient revu les images qui m’avaient rendue si heureuse quelques jours plus tôt. Et je me souviens vaguement d’avoir entendu les mots placenta, trompes de Fallope, situation dangereuse… Tout est devenu flou. Allais-je te perdre encore une fois?

Ils ont inspecté le creux de mon ventre plusieurs fois. Les spécialistes n’étaient pas d’accord entre eux. Ils m’ont renvoyée chez moi avec mes doutes. Puis, quelques jours plus tard, m’ont fait revenir. Un médecin m’a dit que selon lui, tu pourrais continuer ton chemin dans mon ventre. C’est celui-là que j’ai décidé de croire.

Et j’ai continué de croire en toi, mon bébé miracle.

Cette fois-ci, nous avons eu droit à plusieurs semaines de tranquillité, ma belle enfant. Le calme avant la tempête. J’ai passé tous les tests sanguins auxquels les femmes portant la vie ont droit. Mais je ne sais pas pourquoi, mon médecin m’en a prescrit un de plus. Pourquoi? Il a eu une intuition peut-être.

Une intuition de malheur.

Déjà rendues à la moitié de notre chemin ensemble, ma fille, les résultats sont tombés. J’avais un rendez-vous d’urgence avec un spécialiste au nom compliqué dans un hôpital loin de chez moi. Tout ça avait l’air beaucoup trop urgent pour mon petit cœur de mère. Je me suis effondrée, prise d’anxiété.

Le verdict fut terrible. On m’a annoncé, dans un sinistre bureau, de façon pas du tout délicate, que tu avais une chance sur deux d’être sourde. Aveugle. Déficiente intellectuelle profonde. Et que tu meurs à la naissance.

Bang. Tous ces mots dans la même phrase. Cette phrase qui m’a presque tuée sur place.

Le spécialiste devant moi m’a affirmé qu’il voulait mettre au monde des enfants normaux. Que je devais envisager sérieusement l’avortement thérapeutique. Je suis devenue enragée. Qui était-il pour décider de ce que tu deviendrais? Et qu’y avait-il de thérapeutique dans ce type d’avortement?

Pour moi, rien du tout.

Après des dizaines d’échographies, de résonances magnétiques, d’amniocentèses, ils n’ont jamais pu me garantir dans quel état tu serais à ta naissance. J’ai donc suivi mon instinct.

Tu étais déjà un miracle, je croyais en toi.

Envers et contre tous, je t’ai gardée en moi jusqu’à la fin. Tu ne voulais plus me quitter : j’ai dû être déclenchée, deux fois plutôt qu’une.

Ta naissance s’est déroulée à toute vitesse. Puis, le médecin m’a dit que c’était un miracle que tu sois avec nous. Il y avait un gros nœud dans ton cordon.

J’ai entendu ta voix avant même de voir ton petit visage. Un cri puissant. Le cri de la vie. Un cri qui était pour moi le signe du vrai miracle.

Ma belle enfant, je te regarde aujourd’hui, avec toute ton énergie, et je sais que j’ai fait le bon choix.

Le choix de croire en toi, mon enfant miracle.

Crédit : DeymosHR/Shutterstock.com

Audrey Roy

Super-maman de trois enfants dans la trentaine avancée, directrice en chef de ma famille reconstituée (presque) parfaite, ma vie est une source inépuisable de délires familiaux à écrire. Étant une ex-abonnée de l'organisation extrême, le petit dernier m'aura appris que le lâcher-prise est une valeur sûre pour survivre à mon quotidien. Fière mère indigne, écrire est pour moi un véritable plaisir coupable. Au plaisir de vous faire sourire (et de vous faire sentir moins seules dans vos tourments).

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