Il est quatre heures du matin, tu cherches à tâtons la suce espérant que ton bébé se rendorme. T’en profites pour remonter sa couverture pour qu’il ait bien chaud, question de dormir… longtemps. Parce que t’en peux plus. À ce rythme, tu ne survivras pas. Ton corps a pris dix ans alors que ça fait à peine deux mois que tu es mère.
Tu te traînes dans la maison, d’une pile de linge sale à la poubelle à couches, en passant par la montagne de vaisselle dans ton lavabo. Tu vois pas le bout, tu ne sais même pas s’il y en a un pis s’il y en a un, tu sais pas comment l’atteindre.
Après neuf mois de grossesse, tu pensais que ton accouchement te rendrait ton corps. Pour te le rendre, il te l’a rendu. Mais en contrepartie, il t’a volé ta vie. Oh! oui, ton bébé est la plus belle chose qui te soit arrivée dans la vie. Mais pourquoi t’en sens-tu aussi l’esclave ? Pourquoi te sens-tu à la merci des besoins de cette chose minuscule ? Le simple fait de prendre une douche de cinq minutes te fait culpabiliser, angoisser. Parce que t’es pas juste sa mère, t’es aussi sa nourriture, sa sécurité. Celle qui a la responsabilité de construire cet enfant-là depuis le tout début et jusqu’à la toute fin.
Ta vie sociale prend une dérape, ta vie sexuelle… Euh? C’est quoi ça? Tu te trouves laide, poquée, tu te sens vieille et fatiguée. Puis tu berces ton bébé en pleurant ce que tu as laissé derrière.
Non, tu ne regrettes pas. C’est pas ça. C’est juste trop de responsabilités, trop de joies qui se mélangent à plein de deuils dont personne ne t’a parlé. Des deuils que tu dois faire là, live, et afficher le sourire de béatitude que tout le monde attend d’une nouvelle mère, prisonnière du paradoxe, à te demander si tu es une mauvaise personne parce que tu te sens épuisée et si un jour tu reprendras pied.
Ça va passer, fille. T’as ma parole. J’ai été cette mère-là. Celle qui comptait sur les doigts d’une main ses heures de sommeil, qui a vu ses cernes croître à mesure que ses enfants grandissaient. J’ai pensé que je ne dormirais plus jamais, que je ne verrais plus mes amis, que j’étais attachée à la maison jusqu’à la fin des temps.
On va se le dire, ta vie ne sera plus jamais la même. Pis oui, y’a des choses que tu ne feras plus ou que tu vas faire différemment. Tu vas te demander souvent qu’est-ce qui a ben pu vous passer par la tête en choisissant d’avoir des enfants. Mais ce ne sera jamais des regrets. Juste des petits pincements au coeur.
Et un soir à l’heure du souper, tu vas regarder ta fille de sept ans et demi faire une salade sur le bout de la table avec un couteau qui coupe. Et tu vas savoir qu’elle sait ce qu’elle fait, qu’elle a grandi. Et c’est à ce moment-là que tu vas te rendre compte que tes nuits de sommeil sont redevenues normales, petit à petit, sans que tu t’en aperçoives. Que tes amis sont encore là. Que tu peux maintenant aller faire pipi sans stresser, la porte barrée. T’auras repris ton corps en main, t’auras du temps pour lire, écrire, créer. Du temps pour toi… Pour ton couple. Tu vivras à nouveau et tu pourras admirer ton œuvre.
Bravo, fille. Tu es une mère. Ça, ça ne passera pas. Mais tout le reste, ça va passer. Promis.
Trop vrai !!!
Ma fill a 27 ans aujourd’hui, les casse-têtes sont bien différents, on reste maman pour la Vie, mais mon Dieu que ce récit me ramène 27 ans en arrière…, je croyais vraiment que j’avais perdu MA Vie en lui donnant LA Vie…
Merci juste merci on se sent un peu moins seul