Comme toutes les petites filles de ce bas monde, j’ai rêvé au prince charmant et à la ribambelle d’enfants heureux, puis, plus tard, j’ai cru au grand rêve américain; la maison, la famille, le gazon vert, le chien pis toute pis toute.
Pendant longtemps, j’ai sincèrement pensé que c’était ça, la vie; une famille heureuse qui rit autour d’un repas maison au retour d’un 8 à 4 au travail, des petits heureux qui pataugent dans le bain pendant que leurs parents rient aux éclats, une grande maison étincelante, des fins de semaines remplies d’activités toutes plus éducatives les unes que les autres, des vacances magiques dans le Maine, bref, du bonheur à la tonne, à l’infini.
Quand j’ai mis bas, ma baloune ne s’est pas dégonflée parce que mon cœur, lui, s’est gonflé d’amour. Et j’ai continué de croire en ce rêve que j’avais bâti de toutes pièces à grands coups de comédies romantiques et de princesses de Disney.
Puis, un bon matin, je me suis levée avec l’envie de rester couchée. Et je me suis sentie coupable. Puis, j’ai eu envie de boire mon café chaud plutôt que de jouer avec les p’tits, à sept heures et quart le matin et je me suis sentie coupable. Le soir venu, tout le monde s’est mis à négocier à l’infini le nombre de bouchées à manger avant le dessert, j’ai perdu patience et je me suis sentie coupable. À la tombée de la nuit, j’ai eu une discussion musclée avec mon chum et je me suis sentie coupable. La fin de semaine venue, j’ai eu envie que nous restions tous à la maison plutôt que d’aller s’épivarder aux quatre coins de la ville dans des activités épuisantes et je me suis sentie coupable.
La culpabilité était partout. Elle m’attendait dans tous les détours. Je pensais qu’elle me rappelait mes faiblesses. Mais je me trompais. Elle me rappelait simplement que la vie n’est pas un conte de fées.
La vraie vie n’a rien à avoir avec cette image parfaite de la famille unie et heureuse qui gambade dans un champ toute de blanc vêtue. La vraie vie, c’est cinquante-huit émotions contradictoires dans une même journée. C’est passer d’un état de bonheur absolu à un état de crissitude complet. C’est des rires, c’est des cris, c’est des pleurs. C’est des soupers brûlés. C’est un pâté chinois un peu gris. C’est le meilleur Kraft Dinner de la planète. C’est un baiser langoureux après cinq ans de vie commune. C’est une demi-heure d’obstinage pour trois bouchées de steak haché. C’est des petits bec beurrés de beurre de pinotte qui rient à s’en décrocher la mâchoire. C’est des soirées dans les vapes à plier du linge en écoutant une mauvaise télésérie. C’est un souper aux chandelles une fois de temps en temps, abrégé par la fatigue. C’est une chicane pour une histoire de balayeuse. C’est des journées de migraines. C’est des nez à moucher. C’est des après-midis ensoleillés à la piscine. C’est une veillée de Noël magique. C’est une veillée de Noël sur le camp parce que les p’tits sont malades. C’est beau. C’est laid. C’est parfait. Des fois. L’espace d’un instant. Puis c’est l’enfer. Puis c’est mieux. Puis ça recommence.
La culpabilité a pris le large le jour où j’ai accepté d’être épuisée. Le jour où j’ai accepté de boire mon café avant de jouer avec les p’tits. Le jour où j’ai accepté que tous les repas ne pouvaient pas se terminer sans protestations dans la bonne humeur. Le jour où j’ai accepté que toutes les fins de semaine n’avaient pas à être remplies à ras bord. Le jour où j’ai accepté que la vie à deux connaitrait toujours ses hauts et ses bas. Le jour où j’ai accepté qu’aller au parc était une activité tout à fait correcte pendant une semaine de vacances estivales.
Je n’ai pas baissé les bras. Je n’ai pas cessé de chercher à rendre la vie de mes p’tits meilleurs. J’ai simplement admis que rien ne pouvait être parfait et que c’est l’image que je me faisais de la vie de famille depuis que j’étais haute comme trois pommes qui était pleine de failles alors que ma vie de famille à moi était parfaite dans toute son imperfection.
Et tout est devenu plus doux.
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