Lorsque j’étais enceinte de toi, on me disait souvent qu’une maman trouve toujours son bébé plus beau que tous les autres.
J’avoue que ça m’énervait d’entendre ça. Comme si la maternité nous rendait aveugle ou nous enlevait toute parcelle d’objectivité. Moi, je le voyais bien qu’il y avait des bébés moins beaux, des enfants au physique un peu plus ingrat.
Et j’avais souvent peur, qu’à ta naissance, je ne te trouve pas beau. Et si mon bébé d’amour était laid? Une angoisse qu’évidemment, je taisais. Quelle mère oserait dire de telles atrocités?
Puis toi, par une belle soirée d’été, tu es né. De toutes mes forces, je t’ai expulsé. Te donnant la vie, bouleversant la mienne. Au départ, j’ai simplement compté tes petits doigts, tes minuscules orteils. Je me suis assurée que tu avais bien tous tes morceaux. Puis, j’ai pris quelques secondes pour te regarder plus attentivement. La vérité m’a alors foudroyée de plein fouet : c’était toi, le plus bel enfant du monde. Il n’y avait aucun doute là-dessus. La plus grande certitude de toute ma vie. Et je t’aimais déjà.
Quelques jours ont passé, puis quelques semaines et quelques mois. Je ne me lassais pas de t’admirer, d’observer tes traits si parfaits. En te berçant contre moi, je ne pouvais te quitter des yeux tellement je me considérais privilégiée de te tenir dans mes bras. Et quand la pénombre tombait et que ton petit visage disparaissait dans la noirceur de ta chambre, je savais que c’était toujours toi, le plus bel enfant du monde. Car cette certitude était maintenant imprimée dans mon cœur. Je n’avais plus besoin de la lumière pour contempler toute ta beauté. Et je t’aimais, de plus en plus.
Puis les années ont passé, tu grandissais et tu devenais un enfant magnifique. Tu gagnais en autonomie et en unicité. Tu ne me laissais plus autant de temps pour pouvoir admirer ton joli visage de près. Je commençais à t’observer d’un peu plus loin, te laissant ton espace. Puis un beau soir, ce fut le spectacle de fin d’année de l’école. Tu étais sur scène, avec les autres enfants. Ta beauté m’a encore frappée, mon amour : est-ce que les autres parents se rendaient compte que c’était toi, le plus bel enfant du monde? Ou si cette certitude n’était accessible que dans mon cœur à moi? Je t’aimais encore comme au premier instant.
Tu es soudainement devenu si grand. Tu me regardais de haut, toi qui me dépassais maintenant. Tu t’es éloigné de moi, vivant dans la caverne de ton adolescence. Mes occasions de t’admirer se faisaient de plus en plus rares, mon bel enfant. Tu ne me laissais que rarement m’approcher. Pourtant, quand tu finissais par baisser ta garde, je pouvais sentir que tu doutais de toi-même, que tu te comparais aux autres autour de toi. Puis moi, j’étais là pour te rassurer : quoi que tu en penses, c’était toujours toi, le plus bel enfant du monde. Ma certitude était plus solide que jamais. Et je t’aimais tellement, si tu savais.
Bientôt, je deviendrai vieille. Et toi, mon enfant, tu deviendras un adulte accompli. Tu reviendras me rendre visite le dimanche après-midi. Dès que tu passeras la porte de la maison, ma certitude me sautera au visage comme au jour de ta naissance : malgré les années, ce sera toujours toi, le plus bel enfant du monde. Dans mon cœur, cette certitude, elle, n’aura pas vieilli.
Puis mon regard se tournera vers tes enfants à toi, mon amour. Je verrai dans tes yeux, lorsque tu les regarderas, la même émotion qui se trouve dans les miens lorsque je pose les yeux sur toi.
Parce que toi aussi, mon enfant, tu auras eu la chance de donner naissance aux plus beaux enfants du monde.
Et cette certitude restera dans ton cœur jusqu’au dernier jour.
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