Mon fils, tu me m’appartiens pas. Je le sais.
Mon fils, tu seras maître de ta vie. Je le sais aussi.
Aujourd’hui, mes pensées se tournent vers ton désir d’indépendance et me confrontent à mon éventuel détachement. Tu me réserves des moments, souvent le soir, où je me colle à toi. Du haut de tes dix ans, je sens que tu aimes ces marques d’affection bien que tu m’aies déjà formellement indiqué que les baisers en public étaient chose du passé. Je respecte cela. De plus en plus, tu chéris ton intimité, te retires dans ta chambre, manifestes ton besoin de t’approprier ton espace. Je sens que, tranquillement, tu quittes ton enfance.
Je savoure donc pleinement ces moments où tu me donnes accès à ce que j’ai créé. Ton corps, ma matrice. Ce corps, que je connais par cœur. Je sais le nombre de grains de beauté qu’il y a dans ton dos, pour les avoir comptés mille fois. Je connais par cœur l’histoire de chacune de tes cicatrices. La texture des boucles de tes cheveux est celle que mes doigts préféreront toujours. Je sais ce qui te tracasse et fait en sorte que tu ronges tes ongles trop courts. Je le connais par cœur ton corps mon fils, et il commence à m’échapper.
Il va arriver, ce jour où tu l’offriras à quelqu’un d’autre. Où une autre personne va flatter ton dos en se créant mentalement la carte typographique de tes grains de beauté. Où tu raconteras avec fierté et assurance les exploits qui ont marqué tes genoux de cicatrices. Où tu vas frissonner lorsque tu sentiras sa main dans tes cheveux, lorsque tu t’exposeras avec fébrilité aux yeux. Où tu vas te laisser approcher, flatter et que tu vas aimer ça. Assurément plus que lorsque mes mains à moi te caressent. Du moins les sensations seront différentes, de même que les intentions. Alors que toi tu vivras pleinement le moment présent, moi, je serai de l’autre côté de ta porte de chambre à songer à ce que je perds un peu au détriment de ce que tu gagnes.
J’espère, mon fils, que tu n’oublieras jamais les caresses de ta mère. Et je veux que tu saches qu’elles seront toujours disponibles, aussi longtemps que je vivrai. Que tu aies seize, trente-trois ou soixante ans, je voudrai toujours sentir la chaleur de ta peau contre la mienne. Effleurer tes joues, tes cheveux ou embrasser tes yeux comme j’aime si bien le faire.
Sache que mes caresses sont empreintes d’un amour unique et qu’elles sont faites dans toute la sincérité maternelle qui m’habite. Elles valent à elles seules des millions de « je t’aime ».
Sens-toi libre de l’offrir ton corps, quand tu le souhaites, dans le respect et quand tu te sens bien. Partage-le avec le genre qui te fera vibrer, quel qu’il soit.
Je souhaite que le berceau de mes caresses te donne confiance en l’humain et que tu auras appris l’importance et la puissance du geste.
Ton corps, mon fils, j’en suis la créatrice, mais il n’appartient qu’à toi. Prends-en bien soin.
Je pleure à gros bouillons …. mon grand garçon vit à New-york maintenant et quelques minutes avant de voir ton texte , je pensais au joli grain de beauté qu’il avait sur l’oreille quand il était petit …..
Merci pour ce délicieux moment de nostalgie .
Tu écris bien 🙂
Isa