J’ai l’impression qu’à ce moment-là, j’ai été un cheval avec le mors aux dents qui fendait le vent avec mes œillères et qui ne voyait même pas ce qui se passait de chaque côté de ma vie. Et j’avais décidé de ne rien voir. Ni les jugements, ni les questionnements dans le regard des gens. Je me suis fabriqué un bouclier gros comme la terre et je me suis tenue blindée devant l’opinion des autres. Je marchais la tête haute mais le regard vers le bas. J’assumais insécuritairement mon choix.
J’avais l’impression d’avoir fait de ma vie une immense boule de neige, de me tenir en haut de la montagne, de la pousser moi-même en bas et de ravager des cœurs dans ma descente. J’ai eu l’impression de fendre des gens que j’aime en deux, de prendre ma famille comme une feuille de papier et de la chiffonner pour la mettre à la poubelle. C’était moi la méchante, la sans-cœur, l’égoïste.
J’avais le corps scindé en deux. Une partie qui se détestait, qui martelait ses décisions qui causaient autant de peine. Puis une autre partie heureuse, le cœur en nuage de ma nouvelle relation. Une partie qui faisait du surplace et une autre partie qui courait sur la rive, les yeux fermés. À force de courir d’un côté et de stagner de l’autre, on finit par marcher, par avancer d’un petit pas, ici et là.
Le regard des autres devient moins lourd et ironiquement, c’est mon bonheur plus léger qui a pesé dans la balance, qui a fait le contrepoids de ce tourbillon d’émotions. Je marchais la tête encore haute et les yeux droits cette fois.
Depuis un an, j’ai le cœur de moins en moins coupable et le bonheur encore plus facile. Je suis amoureuse.
Un an aujourd’hui, que j’ai des papillons dans le ventre, que j’écris plein de SMS quétaines, que j’ai les yeux qui se font aller à grands coups de je t’aime. Un an que je le trouve beau, drôle et tellement plus toute que les autres.
Un an, que je comprends les filles de vouloir se marier, que je comprends les yeux de chat botté, la main qui a toujours le goût de lui toucher. Un an, que je sais que je ne suis pas si indépendante que ça, que j’aimerais ça, inventer une paire de culottes où l’on peut être deux.
Ça fait juste un an. Oui. Pis ? Il faut ben commencer quelque part. Moi, il y a un an, je suis partie de quelque part et ce quelque part-là m’a menée au bonheur d’aujourd’hui.
Il y a un an, je ne m’aimais pas de me permettre de l’aimer librement, lui. Depuis un an, j’ai encore des petits relents de culpabilité, des petits moments où je me flagelle l’être. Mais la culpabilité est seule; elle ne s’accompagne pas de regrets. Et être seule contre une armée de petits bonheurs lui fait prendre la porte de sortie par moment. Et quand elle revient, j’essaie de l’envoyer jouer dehors .
J’ai le défaut et la qualité d’être résiliente. Le défaut parce que le changement ne me fait pas peur et la qualité parce que, justement, le changement ne me fait pas peur. Avec la résilience, je n’ai pas peur de chambarder mon existence, mais comme je ne suis pas la seule à exister, j’ai blessé. J’ai avancé en regardant par-dessus mon épaule avec les yeux mouillés. J’ai marché de reculons en m’excusant. Mais j’ai aussi pris mon bonheur à deux bras, deux jambes et j’ai décidé de regarder en avant.
C’est ce que j’ai choisi de faire.
Et un an plus tard, je remercie ma résilience.
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SARAH GIGUÈRE |
Merci pour se texte qui tombe a point dans ma vie ou je dois aussi prendre un chemin qui fait mal a beaucoup de personne.. Je me sens un peu moins seule et je regarde devant avec encore plus d’espoir.
Merci encore