Toutes les mamans de ce bas-monde se sont caressé le ventre alors que le fruit de leurs entrailles y régnait toujours en rêvant d’une maternité toute de blanche vêtue. Dans le style impeccable. Une maternité parfaite. Sans vomi. Ni cacas mous. Ni pleurs pendant trois heures d’affilée. Ni attente pendant cinq heures à l’urgence. Une maternité sans crises de bacon, ni fillettes dans la fleur de l’âge de l’attitude. Ni course effrénée le soir entre le souper, le bain et les devoirs. Ni cours de piscine le dimanche matin à huit heures.
Oui, toutes les mères se sont d’abord figurée la maternité comme une chose blanche impeccable et parfaite qu’elles avaient attendu toute leur vie.
Puis elles ont accouché et la maternité gonflable qu’elles s’étaient figurée a dégonflé aussi vite qu’une baloune qu’on perce. Ou plus lentement, comme celles qui ratatinent, perdues dans un coin du salon, avec le temps qui passe.
L’image de l’accouchement naturel parfait a parfois été remplacée par une visite à l’hôpital prématurée, une césarienne ou une épidurale qu’on ne voulait pas recevoir.
L’image du bébé en santé, heureux et dodu a parfois été remplacée par un être minuscule à gaver, à couver dans l’attente interminable de pouvoir finalement le prendre dans ses bras pour le ramener à la maison.
L’image du poupon souriant endormi auprès de sa mère rayonnante a parfois été remplacée par un nouveau-né braillard avec la jaunisse se contorsionnant à côté d’une femme sur le bord de la crise de nerfs qui ne savait simplement plus comment s’y prendre pour le calmer.
L’image des moments de douceur dans la chaise berçante de la chambre du petit a parfois été remplacée par celle d’une mère au regard cerné par la millième chanson chantée en vain tenant aux creux de ses bras un petit être ne parvenant pas à trouver le sommeil depuis un nombre d’heures incalculable.
L’image de la première tétée a parfois été remplacée par des jours, des semaines ou des mois de frustrations et de douleur devant la difficulté d’allaiter. Difficulté qui s’est conclue par une réussite ou par un abandon, ressenti comme une triste réalité ou un échec cuisant.
L’image des premiers moments en famille a parfois été remplacée par des soupirs, des reproches et des larmes à l’endroit d’un père qui tentait en vain de mener sa barque sur un fleuve inconnu ou qui a pris le large.
L’image des premiers pas a parfois été remplacée par des mois d’angoisse devant le peu de progrès moteurs d’un enfant qu’on a cru malade à grands coups de rendez-vous et de diagnostics alors que le seul remède à prescrire était le temps.
L’image féérique du premier anniversaire a parfois été remplacée par un gâteau au crémage coulant, des décorations ratées, des sandwiches au fromage et un bébé en larmes.
L’image d’un avenir prometteur, d’un futur assuré, a parfois été remplacée par l’annonce d’une maladie, d’un handicap, d’un trouble qui chamboule la vie.
La vérité, c’est que la maternité est à l’image de la vie. Elle comporte son lot de bonheurs, petits et grands, auxquels il faut savoir s’accrocher mais elle comporte aussi son lot de malheurs, petits et grands, auxquels on n’échappe pas.
Rien n’est parfait. Ni l’enfant qu’on porte, ni la vie qu’on mènera à ses côtés, ni le bonheur que nous apportera son existence.
Et c’est quand la maternité se dégonfle qu’on commence finalement à la vivre telle qu’elle le mérite. Dans toute sa beauté. Comme des montagnes russes dans lesquelles on monte et on descend toute la vie durant.
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