Mon cher enfant,
Maman a des regrets, parfois. Mon plus grand regret, c’est de ne jamais me sentir à la hauteur. Parfois, j’aimerais avoir des superpouvoirs. Tu sais, cette force que tu admires chez les héros que tu regardes à la télé, dans tes bandes dessinées ou que tu fais virevolter partout dans la maison. Si seulement j’avais quelques superpouvoirs, j’arriverais aussi à te protéger. Car trop souvent, je me sens toute petite, presque aussi petite que toi, quand je regarde tous les dangers qui te guettent.
Si seulement je pouvais voler, je t’emmènerais loin. Loin des regards qui épient, des mains qui touchent trop, des bras qui étouffent. J’aimerais t’emmener là où il fait bon, mon bébé, là où il fait beau, là où les gens qui t’entourent sourient, se serrent les coudes et feraient de toi une personne aimante et respirant la joie de vivre.
Si seulement je pouvais tisser une toile, je la ferais immense. Je passerais des nuits entières à ériger cette forteresse grandiose tout autour de notre nid douillet. Une toile des plus solides qui repousserait chaque tempête de malheurs, chaque averse de peurs, chaque ouragan de tourments. Tu pourrais aller et venir comme bon te semble, totalement à l’abri, entièrement sauf.
Si seulement j’avais un bouclier (super-ultra-résistant-et-pas-trop-lourd), je bloquerais toutes les attaques dirigées vers toi. Je le manierais fièrement, déviant les coups, les tirs, les flèches venimeuses qui menacent de te faire du mal, mon chéri. Je me dresserais, tel un char d’assaut, indestructible, et je ferais tomber tous les obstacles qui se dressent sur ton chemin.
Si seulement je pouvais lire dans les pensées des gens que tu côtoies, je pourrais te prévenir. Car tu apprendras que les humains sont méchants. Qu’ils ne disent pas toujours ce à quoi ils songent. Que certains sont même cruels, et voudront volontairement te blesser. Si je pouvais voir ce que ces médiseurs ont derrière la tête, je te préviendrais, je t’informerais et tu pourrais agir en connaissance de cause. Tu te tiendrais loin de ces pauvres êtres qui veulent te faire du tort.
Si seulement je détenais une force surhumaine, doublée d’une résistance bionique, je défoncerais toutes les barrières pour toi, cher enfant. Je repousserais toute chose, tout homme, tout animal qui t’empêcherait d’avancer, d’évoluer, de devenir l’individu que tu mérites d’être. Avec mes muscles à rendre jaloux le pire douchebag de ce monde, je serais la maman la plus forte et toi, le plus en sécurité des petits.
Maman a des regrets, mais je n’y peux rien. Je suis une maman ordinaire, sans superpouvoirs. Par contre, je fais de mon mieux avec mes bras un peu flasques, mes jambes qui avancent parfois lentement et mes yeux qui ne traversent pas les pensées – et encore moins avec ma myopie. Ma force de caractère, c’est toi qui me la donne. Mes peurs et mon sentiment d’impuissance sont peut-être justifiés, mais la fougue qui t’habite me pousse à devenir une meilleure supermaman. Un peu plus chaque jour.
LYSIANE BEAUBIEN |
Woooow! Tres tres beau texte