À toi, mon bébé à naître,
Ça doit être la quatrième fois aujourd’hui que je viens admirer ma toilette. Il n’y a rien qui reste depuis des mois. Je tente de créer une nouvelle tendance, le teint vert, mais il semble que mes collègues n’apprécient pas et mon docteur a décidé que mon embonpoint n’avait finalement rien de mauvais et que je ne devais pas perdre une livre dans les mois qui viennent après avoir vu les chiffres descendre drastiquement sur la balance.
Je vis dans la maison. Entre deux pièces principalement. La salle de bain pour les moments verticaux de ma journée et la chambre pour mieux célébrer les moments horizontaux.
Comme si ce n’était pas déjà assez, la position que tu prends dans mon ventre bloque ma vessie et il faut que je me fasse des cathétérismes. Des quoi ? Des cathétérismes, un joyeux petit tube que je dois moi-même insérer tu sais où pour permettre à ladite vessie de faire sa job. Moi qui n’avais jamais pris la peine de me checker plus que ça les parties intimes avec un miroir, je tente maintenant de me contorsionner avec mon ventre rebondi pour insérer ledit tube avec mon envie d’uriner perpétuelle qui s’accompagne de nausées clairement liées à l’inconfort.
J’ai le corps qui déraille, je n’ai plus le contrôle. Je ne peux même pas dire que je suis une pâle copie de moi-même; je ne suis plus que mon ombre. J’erre au ralenti, dans un corps qui change et se meurtrit pour toi et je vis dans la menace de l’hospitalisation et la culpabilité de ne rien faire correctement.
J’ai les humeurs en yo-yo. Je te jure, j’essaie vraiment de ne pas pleurer, de ne pas me plaindre. Tout le monde passe son temps à me rappeler à quel point je te voulais, que je n’ai pas le droit de me plaindre t’sais, parce j’ai de la chance de t’attendre.
Puis tu bouges et je pleure tout ce que je passe mes journées à tenter de retenir.
Tu bouges, tu vis, tu es à moi, tu m’appartiens et mon corps vit et fonctionne pour créer le tien. Je ne suis plus moi, je suis une maison, ta maison.
Ton corps se construit et grandit en moi, et moi, je grandis en tant qu’être humain mais surtout en tant que mère. J’apprends l’abandon, j’apprends le sacrifice, j’apprends comment de petites choses créeront de grandes joies. Je construis un miracle, je construis une merveille, je te construis, toi, aux dépens de moi.
Si tu savais. Si tu savais comme tout cela vaut la peine, quand subtilement tu me rappelles que tu es là. Que tu arrives, que tu vivras.
Déraille corps déraille, tant pis pour le contrôle, tant pis si mon corps se transforme, si j’ai mal, si j’ai peur. Tant pis, tu arrives, je suis ta maison. Je suis ton nid, ta protectrice et je t’attends.
CYNTIA DUBÉ |
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