Ce matin tu l’as encore fait, comme hier soir d’ailleurs. Tu ne croyais pas que ton corps parlerait à ta place. Tu t’es surprise à regarder le reflet que te projette le miroir de la salle de bain et tu as vu. Elle est là; la fille, la femme, l’amie et la mère qui est éprouvée, qui aimerait être ailleurs l’instant d’un moment, qui aimerait être heureuse, qui aimerait être autre chose que ce qu’elle est actuellement.
Tu aurais préféré que ta tristesse ne sorte pas par tous les pores de ta peau, mais c’est impossible. Ton corps t’envoie des signaux, il demande de l’aide, mais toi, tu occupes ton esprit, tu ne veux pas vivre tes souffrances et tout le lot de complications qui pourraient s’ensuivre. Tu combats, tu survis. Tu as souvent pensé qu’il changerait, que lorsque les enfants vous combleraient de bonheur, il serait agréable et gentil avec toi. Il y avait promesse d’amour et de support inconditionnel quand vous avez dit oui. C’était un autre homme à ce moment-là. À présent, tu es là, à te demander si le chemin que vous aviez pris ensemble sera toujours le même.
Tout est là en toi; la douleur de l’échec de votre union, la colère d’être restée, mais tu n’oses pas verbaliser ce que tu ressens. Le jugement et le regard des autres seraient tellement pesants et tellement pénibles à supporter et à vivre.
C’est certain que vous vous êtes aimés passionnément, aveuglement et on vous enviait même. Tes collègues auraient aimé avoir un chum comme le tien, ta mère l’aimait, comme tout le reste de ta famille. C’était unanime; c’était un bon parti, un bon gars, un futur père attentionné. Par contre, toi, quand tu regardes derrière, tu vois les périodes de tempêtes. Celles où tu t’es cachée pour pleurer, celles que tu as cachées à tes amies, à ta mère parce que tu ne voulais pas les inquiéter. Il y a celles où tu as feint de ne pas entendre ses mots pesants, ses mots qui font mal. Non, il n’est pas violent avec toi. Mais, les marques sont enfouies au fond de toi, dans ton cœur, dans ta tête. Parfois, tu as eu du mal à rester émotionnellement stable pour ne pas chavirer.
De temps à autre, tu as carrément ravalé tes larmes et tu t’es promis que c’était terminé. Lui aussi il te l’a dit, souvent même.
Tu l’aurais probablement quitté avant, mais il y a vos enfants. Ils adorent leur papa. C’est vrai qu’il est protecteur, formidable et attentionné envers les enfants, quand il est présent. Vous, ce sont les conflits accumulés au fil du temps, comme de la poussière sur un vieux livre, qui vous ont amenés là. Tu as beau frotté, la saleté est incrustée. Malgré le fait que tu fais le nécessaire pour sauver ton couple, il y a juste toi qui vas de l’avant et ça, c’est plutôt laborieux. Tu envisages de partir pour de bon, mais il y a toujours ce petit espoir caché au fond de toi qui te dit qu’il va changer et qu’il sera l’homme dont tu es tombée follement amoureuse, le gars qui te faisait rire spontanément, celui qui laissait traîner son linge sale dans le temps où tu t’en fichais, celui qui t’avait promis de t’aimer.
Maintenant, tu comprends que tu devras faire un choix pour toi, pour les enfants. Mais sache que peu importe le choix que tu feras, je ne te jugerai pas parce que moi aussi, je suis dans ta situation. Parce que tu es peut-être ma voisine, mon amie, ma collègue de travail.
Alors je te demande aussi d’être compréhensive dans mes choix et d’accepter ma décision.
LA COLLABORATRICE DANS L’OMBRE |
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