Tes enfants vont à l’école. Ils sont inscrits à une multitude de cours tous plus palpitants les uns que les autres. Ils sont toujours à gauche pis à droite pour une fête d’amis, une invitation quelconque à venir jouer chez un copain. Pis toi, tu te fais un devoir de leur préparer des week-ends passionnants remplis d’activités familiales dans les festivals, les centres sportifs et autres endroits bondés de petites familles cherchant à faire plaisir à leurs flos.
Réalises-tu que tes enfants sont bookés comme des présidents de multinationales? Pas de temps mort. Pas le temps de perdre leur temps.
Lundi matin, tu pousses ta fille dans le derrière pour qu’elle soit prête à temps pour l’école, ce qui tient du miracle. Elle fait sa journée d’élève de deuxième année, qui soit dit en passant, n’est pas de tout repos. La cloche sonne 15h, elle doit se rendre immédiatement à son cours de théâtre, mangeant sa collation en dix-huit secondes en chemin. Une heure quinze plus tard, tu vas la chercher en lui répétant douze fois de se dépêcher, car il n’y a qu’une petite demi-heure entre le théâtre et son cours de danse. Et là-dessus, il faut trouver le temps de se changer et de souper. Elle revient de son cours de danse à 19h, le bain pas pris, les devoirs pas faits. Et toi, la mère, tu t’étonnes qu’elle chiale sa vie une fois rendue à l’heure du dodo.
Et je te rappelle que nous sommes que lundi.
Parce qu’il y a aussi le karaté du mercredi soir, le ballet classique du jeudi soir et le karaté du samedi matin (pourquoi en faire juste une fois quand il est possible d’en faire deux fois?). Pis ça, c’est juste pour ta fille. Parce que tu en as deux autres à la maison, des enfants. Que tu apportes d’ailleurs aux glissades d’eau en fin de semaine. Ah oui! Vous allez aussi voir un spectacle dimanche après-midi.
Là, tu te dis que j’exagère, que je caricature. Ben non madame. Ceci est exactement l’horaire de ma propre fille. Et oui, je me questionne fortement sur nos choix de vie présentement. Parce que c’est mon horaire aussi qui y passe.
Pourquoi imposons-nous un horaire tel que celui-ci à nos propres enfants? Pourquoi tenons-nous tant à combler chaque minute de leur enfance?
Je crois que les enfants aux horaires de président ne sont pas plus heureux que les autres au bout du compte. Ils sont essoufflés de se faire pousser dans le dos. Et ils ont des parents à bout de souffle, se demandant comment ils feront pour pousser une session de plus.
Il est certain que comme parent, on veut le mieux pour nos enfants. On veut qu’ils développent leurs talents, qu’ils trouvent leur passion. Parfois, c’est vraiment le cas. L’enfant est toujours prêt pour son cours de patin, de piscine, de piano. Parce que ça le passionne. Parce qu’il veut s’améliorer. Parce qu’il se réalise là-dedans. Mais est-il obligé de se réaliser dans quatre activités différentes?
Il y a en contrepartie des enfants qui ne veulent jamais aller à leur cours, malgré l’insistance des parents. Le samedi matin tourne en combat à finir, parce que toi, le parent, tu as décidé qu’il irait jusqu’au bout de son cours de ski. Qu’il ne lâcherait pas en pleine session. Tu veux lui apprendre l’importance de l’engagement, ce qui est valable en soi. Mais en attendant, ton enfant braille sa vie et toi tu n’as plus de patience. Que de plaisir en perspective en ce beau samedi matin.
Là, tu vas me dire que si les parents font sentir à leurs enfants que ça leur tente pas trop de sortir de leur confort pour aller se taper les cours de leur progéniture, ben il est évident que les enfants ne se montreront pas coopératifs pour s’y rendre. C’est peut-être vrai.
Mais as-tu pensé que ton enfant, ça y tente juste vraiment pas d’y aller à tous ces cours que tu lui as bookés sur son horaire en croyant bien faire? Peut-être qu’il haït ça à s’en confesser le soccer, ton p’tit. Peut-être qu’il n’a vraiment pas de talent en guitare et qu’il le sent, que c’est ton rêve à toi d’être musicien.
Pis peut-être qu’il est juste épuisé ton enfant. Fatigué. À boutte. Du haut de ses huit ans.
Parce que moi j’y pense ben fort. J’en ai mon voyage de faire le taxi pour les horaires de fou de mes enfants. Mais je crois qu’au bout du compte, ce sont eux qui en ont encore plus leur voyage que moi.
Je crois que mes enfants, comme les tiens, ont besoin d’un break. De temps libre. Rien de prévu à l’horaire, pas de fêtes d’amis, pas d’activités.
Réapprenons à nos enfants à s’ennuyer, à flâner.
Laissons nos enfants se reposer un peu. La vie de fou, ils auront bien l’occasion de la vivre. Plus tard.
AUDREY ROY |
Mon fils de 5 ans avait un cours de cirque le dimanche matin à la session d’automne. Quand est venu le temps de se réinscrire en janvier, je lui ai demandé ce qu’il voulait faire (il m’avait parlé de danse, de théâtre et de karaté) et il m’a dit, très naturellement : » j’aimerais ça suivre un cours de pause maman ». Et pause il y eu. Il était fatigué de son entrée à la maternelle 4 ans, l’automne avait été difficile côté adaptatif (retour de congé de maternité pour moi, entrée à l’école pour lui, première fois que mon conjoint et moi avions un horaire de semaine temps plein tous les deux, gros projet à mon travail, fréquentation à la garderie temps plein pour ma cocotte, etc.). Il en avait son truck et je dois avouer que moi aussi! Alors on a respecté son besoin… et celui de la famille. On a passé un temps des fêtes très relaxe, on a recommencé en janvier en respirant un bon coup et ça a fait du bien à tout le monde! Il y a 3 semaines, il me demandait de commencer le soccer, on l’a inscrit, il trippe. L’an prochain on verra bien ce qu’il voudra faire, on s’ajustera, il me parle déjà de faire du karaté, pourquoi pas! Tant que ça part de son désir à lui et qu’il est heureux de le faire! Pour notre famille, c’est important de passer du temps à ne rien faire, tous ensemble à la maison, encore plus depuis que la routine familiale est un peu folle! Alors on se gâte, pendant qu’on le peut encore! 🙂