Attention, ce texte est une satyre caricaturale des émotions ressenties par une maman à certains moments de sa vie.
Mes chers enfants, je vous déteste. Quand je dis que je vous déteste, bien sûr, ce n’est pas vingt-quatre heures par jour. Ma vie n’est pas un enfer perpétuel, ou presque. Et je sais, on me l’a bien dit, qu’un jour je vais regretter ces moments où vous vous liquéfiez dans mes bras endoloris par les tendinites en me couvrant de coups parce que vous ne vous comprenez plus vous-mêmes. Mais ce n’est pas le cas, pas encore. Et pour le moment, je vous déteste.
Je vous déteste de faire de moi une femme épuisée, malgré toute la volonté du monde de déléguer, de laisser aller, de maintenir l’équilibre. À tout moment, douze heures par jour et dix heures par nuit, vous voulez être dans mes bras. Que je vous regarde. Que je vous aide. Que je vous donne à manger. Non, pas ça. Ça. NNOOONN. Tout seul. NNNOOOO MAMANNN. Tout le temps. TOUT LE TEMPS. Toujours. Chaque minute. Je vous déteste de prendre chaque miette d’énergie qui me reste, à tout moment. Paraît que vous le redonnez au centuple. J’attends. Je suis fatiguée. Je suis à bout. Vidée. Et quoique je vous aime gros comme la terre, je vous en veux.
Je vous déteste de faire de moi une femme acariâtre, qui critique son chum parce qu’il n’est pas à la hauteur de ses rêves impossibles – ou juste pas capable de me donner un répit assez long pour que je récupère. Qui est amère devant ses amis qui partent en voyage, ont des rêves, des projets, des passe-temps et des intérêts. Quand, moi, ce qui m’apparaît un objectif, c’est de traverser la journée avec le sourire, sans m’effondrer et en étant là pour vous. Oui, je le sais, je serais supposée, si je m’organisais bien, être capable de tout faire ça. C’est écrit partout sur les internets et dans les livres. Avoir une vie, qu’ils disent. Mais je suis nulle, je suis paresseuse, je suis mal organisée, fait que je suis pas capable. Et je vous en veux.
Je vous déteste, malgré une patience qui a toujours été à toute épreuve, de me pousser au bout du rouleau. De me donner le goût, malgré tout l’amour que j’ai pour vous, de serrer vos petits bras pour vous faire arrêter de frapper. D’avoir le goût de pleurer plus que vous parce que, si vous ne savez plus gérer vos émotions, moi, je ne suis juste plus capable de faire face à celles qui m’habitent. La colère, la fatigue, le dégoût de moi-même, la déception, l’angoisse. Je vous déteste de ne plus avoir hâte de me réveiller le matin. Je vous déteste de faire de moi cette femme impatiente, qui ne rit plus aux blagues. Qui est constamment inquiète de vous voir malades, pas parce que j’ai peur de la maladie, mais parce que je ne suis pas certaine d’être capable de passer à travers un autre épisode de besoins aussi intenses, tout en ayant la vie autour à gérer.
Je vous déteste d’avoir anéanti ma carrière toute jeune. Non, c’est pas vrai l’égalité des genres pis la conciliation travail famille. Vous avez fait de moi une collègue pas fiable à cause de toutes vos otites, vos gastros, vos rhumes, vos dents, ou que sais-je encore. J’oublie tout, vous dessinez sur mes documents importants, je n’ai pas le temps de me maintenir à jour. Vous occupez toute la place dans ma tête et dans ma vie, comment voulez-vous qu’il y en ait pour être une employée performante ? Pour être novatrice, enjouée, dynamique ? Pour travailler le soir, ou aller au dernier cinq à sept, ou pour faire des projets hors de la ville ? Je regarde mes collègues devenir des étoiles, progresser, faire des innovations. Je demeure un peu en retrait. Oui, je vous ai, et c’est tout à mes yeux. Mais je vous déteste.
Je vous déteste aussi d’avoir fait de moi une femme fatiguée, cernée, brisée. Malgré mes efforts, j’ai toujours l’air grise et moche. Mes cheveux sont peignés une journée, puis c’est fini. Les coutures de mes vêtements, même les meilleurs, ne tiennent pas sous vos assauts. Ils finissent rapidement tachés, déformés, les bijoux s’arrachent et s’égarent, le maquillage s’efface sous vos petites mains qui trouvent tout trop beau. J’ai mal aux épaules, au cou, au dos, aux genoux, de vous tenir sans cesse à bout de bras, sur la hanche, de me pencher à votre niveau, tout le temps. Même les spécialistes n’y peuvent rien : « Arrêter de faire ceci, ou cela. » Mais c’est impossible de vous arrêter. Vous m’envahissez, sans cesse. Vous avez fait de moi une meilleure personne, possiblement. Mais vous m’avez également brisée, vieillie, fragilisée.
Oui, je le savais bien qu’avoir des enfants ça demandait des sacrifices. Mais jamais je n’aurais imaginé que c’était à ce point. J’ai l’impression de tout donner, et que vous prenez encore plus. Votre faim de moi me fait peur.
Malgré tout, je suis une meilleure personne, plus heureuse, comblée grâce à vous. C’est vrai. Et je vous aime plus que je ne m’aimerai jamais moi-même. Plus que je n’aimerai jamais personne.
Mais ce soir, je vous déteste.
LA COLLABORATRICE DANS L’OMBRE |
Merci d’avoir écrit ce texte ! Je ressens les même sentiments sauf que je ne suis pas meilleure et encore moins comblée…. juste aigrie, moche et fatiguée.
Et maintenant, on continue comment à juste respirer et se lever et s’occuper d’eux ?
Je n’ai jamais voulu d’enfants, je les ai fais pour mon mari mais si j’avais su…. si seulement le sujet n’était pas si tabou…
Et qu’est-ce qu’on fait quand on ce sens comme ca tous les jours!? Ici belle maman de 3 enfants a temps plein depuis deux ans. Je les adorent, mais je me dit souvent que justement ces trop. J’aime mon conjoint, mais je me rend compte que peut être pas asser pour un aussi gros sacrifice. Je n’en peu plus de ramassser, laver, gérer tous ce petit monde. Je m’ennuie de ma vie d’avant, avec trop de liberté sûrement mais la je n’en n’est plus du tout! Ces pas les enfants le problème, ces tout ce qui viens avec. J’ai l’impression que je vais me perdre et me tuez a la tâche pour des enfants qui son même pas les miens!!