La première fois que c’est arrivé, tu n’avais que quelques jours de vie. C’est survenu soudainement, sans que je ne m’y attende, moi qui étais encore dans le flou des premiers jours avec toi. Mais cet événement allait bouleverser ma vie à jamais.
Tu as souri.
Dans ton sommeil si paisible, si profond, tu as souri. Comme si un ange était passé au-dessus de toi. Comme si tu savais que je te regardais dormir avec tant d’amour dans les yeux.
Et j’ai pleuré des larmes de bonheur, un bonheur si nouveau que je n’étais pas encore capable de le nommer. Mais je le vivais. Pour la première fois.
Ce premier sourire aura été suivi de nombreux autres, tout aussi prenants pour mon petit cœur de maman. En réalité, mon bel enfant, tes sourires auront permis à la mère que je suis de passer au travers de tant de douleurs, de tristesse, de colère. Tes sourires m’auront guérie de tant de tourments.
Certaines nuits, dans un état d’épuisement total, je t’entendais pleurer. Presque incapable de quitter mon lit tellement mon corps ne suivait plus ton rythme, j’avais les yeux pleins de larmes. Des larmes de fatigue, si lourdes sur mes joues. Pour la je-ne-sais-plus-combientième-fois, je me suis résignée à me rendre à ton chevet, exténuée. J’ai entrouvert la porte, laissant entrer un filet de lumière dans ta chambre. Et je l’ai vu. Ton sourire, avec ces quelques dents qui le rendaient encore plus charmant. Et la lumière a fait son chemin de ta chambre à mon cœur. Les larmes ont séché, et je t’ai bercé contre moi. Doucement.
Un beau soir, j’en avais plus qu’assez de ma vie qui ne consistait qu’à ramasser, à laver et à m’occuper de tout le monde, à m’occuper de toi. Mon humeur était à son plus bas et je broyais du noir. Un noir profond, qui faisait un gros nœud de colère dans ma gorge. Je ne voyais plus le bout du tunnel des tâches à accomplir. Je portais le poids de la maisonnée sur mes épaules. Et je l’ai entendu. Ton premier sourire sonore, celui qui éclate en mille morceaux de joie dans la pièce. Et mon cœur de maman a repris des couleurs. Le noir s’en est tranquillement allé, laissant place à la magie multicolore de ton sourire qui retentissait dans tout mon être. Et j’ai laissé tomber mon travail pour m’asseoir à tes côtés et profiter de ton sourire bruyant. Encore et encore, sans m’en lasser.
Un beau matin, j’ai dû retourner au travail. J’ai dû faire le deuil de nos journées passées ensemble, dans la tendresse et la douceur. J’ai dû reprendre un mode de vie pressé, te pressant aussi malgré ton si jeune âge. C’est le cœur empli de chagrin que je suis allée te porter chez celle qui prendrait soin de toi, je l’espérais presqu’aussi bien que moi. Te voir tendre les bras vers cette autre femme qui passerait tant de journées avec toi pendant tant d’années m’a fait l’effet d’une bombe. Prenais-je la bonne décision en te quittant pour gagner ma vie? Toute la journée, le chagrin prenait de l’ampleur. Puis je suis retournée te chercher, les mains moites et l’estomac plein de gargouillis. Et je l’ai vu. Ton sourire brillant pendant que tu accourais les bras ouverts vers moi. Et le chagrin est parti, tout d’un coup. Mon cœur a effacé ses doutes. Et ce soir-là, comme plusieurs autres qui ont suivi, ton sourire aura effacé de ma tête tous les tracas d’une journée de travail trop remplie.
Certains jours encore, il m’arrive d’avoir peur. D’avoir peur pour toi. Quand je lis les journaux et que je regarde autour de moi, j’ai peur de te laisser dans un monde tourmenté. Un monde qui me semble parfois malade. Je me demande si tu seras capable d’affronter la haine et la méchanceté auxquelles tu seras inévitablement confronté. J’ai peur de ne pas être en mesure de t’apprendre comment te défendre correctement, de comment te protéger de ce qu’il y a de moins beau que toi dans cette société. Je me couche la peur au ventre, la peur dans le cœur. Et le lendemain matin, tu arrives en gambadant vers moi, avec toute ta naïveté. Et je le vois. Ton sourire, celui derrière lequel se cache toute l’humanité du monde. Et je reprends confiance en l’avenir. Parce qu’un sourire comme le tien peut déconstruire la peur dans ce monde. Parce qu’un sourire comme le tien est la preuve que le monde peut encore changer.
Et ton sourire, mon bel enfant, a changé mon monde à moi, pour le mieux. Depuis le tout premier, dans la délicatesse de cette nuit que je n’oublierai jamais.
Et depuis, je te souris aussi.
AUDREY ROY |
Tu as cette plume magique des mots et des maux qui appartiennent à tous les mamans et papas aimant du monde.
Écrire est éterniser ses souvenirs que bientôt nous en aurons oublié presque la valeur et chaleur des émotions.
Continue à nous faire pleurer de ces beaux moments précieux de nos vies car le temps d’un éclair et ils sont déjà vieux et nous vieillards.
XOXO