Dans la vie, il y a mille affaires pour te séparer des gens auxquels tu tiens. Il y a le travail qui prend de la place ou qui déménage. Il y a les valeurs qui se rentrent dedans et qui finissent en perte totale. Il y a le nouvel amoureux qui occupe tes vendredis et tes samedis soir. Il y a le bébé qui débarque sournoisement et qui accapare tous tes temps libres.
Et il y a le temps. Le temps qui ne pardonne pas. Qui te change. Qui change l’autre. Et qui te fait prendre une distance que tu n’aurais jamais cru prendre avec quelqu’un qui comptait pour toi. Ta meilleure amie. La fille qui a vécu tout ce qu’il y avait à vivre avec toi depuis ta première peine d’amour à quatorze ans où tu pleurais comme une Madeleine Fred-le-pas-fin-qui-t’avait-cheapement-laissée-au-téléphone jusqu’aux abords de ton accouchement.
Je dis aux abords parce que tout a commencé à prendre le bord le jour où t’as vu les deux barres sur ton Première Réponse pis que vos soirées du vendredi ont été remplacées par deux ou trois textos par semaine pis un déjeuner mensuel. À vingt semaines, déjà gonflée comme une montgolfière, interdite d’alcool pis de sushis, échouée sur ton divan comme une grosse épave à neuf heures le vendredi soir avec le mot bébé scotché dans la bouche, faut dire que t’étais plus trop trop attrayante. Ou que c’est elle qui était pas mal cheap. Ou les deux.
Ton accouchement a creusé le précipice qui faisait de vous deux deux être distincts qui semblaient de plus en plus persuadés de ne pas avoir grand-chose en commun. Tu ne t’es pas battue. Elle non plus. Vous avez laissé la vie suivre son cours pis submerger vos restants d’amitié. Parce que vous étiez ailleurs. Parce que vous n’étiez plus là.
Jusqu’au matin où tu t’es réveillée, ben longtemps après, avec une drôle de sensation de vide dans le creux du ventre pis que tu t’es repassé le film d’une amitié de dix ans, faite en béton, qui finissait tragiquement sur l’image d’un train qui part pis qui reviendra jamais.
T’as pleuré parce que tu croyais bien qu’il n’y avait plus rien à faire. Ou parce que ton égo était trop grand. Ou parce que ce n’était rien de moins que la fatalité qui s’était abattue sur vous.
Mais si tu te trompais ? Si tout ce que tu avais à faire, c’était de prendre le téléphone.
Penses-y.
Les vraies amitiés ne meurent pas. Elles s’éloignent. Elles prennent leur temps et leur distance.
Mais elles reviennent toujours en force lorsqu’on leur en laisse la chance.
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