pregnant woman showing fist

Quand ton corps ne t’appartient plus

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Dès que les deux petites barres roses apparaissent sur ton test de grossesse, tu le sais pas encore, mais ton corps ne t’appartient plus.

Premièrement, il y a cette petite vie qui éclot en toi en te le faisant savoir par la manière forte. Nausées, vomissements, perte de poids, prise de poids, odorat surdéveloppé à détecter les pires odeurs de la planète, papilles gustatives en congé, canaux lacrymaux en constant overtime, maux de tête, problèmes de pression et j’en passe.

T’es tout le temps en train de réchauffer la même chaise en plastique cheap de la salle d’attente de la clinique médicale pour te faire taponner une fois pis une autre. Une fois assise sur le papier de soie qui te colle sur le derrière dans le bureau du doc, tu te fais dire de baisser tes culottes avec froideur – bon pas tout le temps, y’a plein de docs qui sont ben fins! – pour les extatiques examens du col.

Ensuite tu vas réchauffer une autre chaise, en faux cuir cette fois, dans la salle d’attente de ton échographie qui devait avoir lieu à 13h00 (avec une vessie pleine s’il-vous-plaît), mais il est rendu 14h00 pis t’es pas encore passée, les yeux sont en train de te virer sur le jaune foncé, pis t’es ben à veille d’avoir une haleine d’urine si tu continues de te retenir de même d’aller pisser. Alléluia! 14h15, on entend ton nom dans l’intercom. La technicienne en radio se présente, mais pauvre elle, ton envie de pisser est telle que tu ne retiendras jamais son nom. Elle te brasse la bedaine et te pèse sur la vessie avec sa machine. Une chance que la joie de voir ton petit microbe à l’écran te fait oublier qu’elle pèse beaucoup trop fort et que tu risques de te pisser dessus à tout moment. Ensuite, on te dit d’aller faire pipi, mais juste un peu, pas toute. ALLÔ!?! Quand une vessie est pleine de même avec un bébé qui la prend pour un punching ball en plus, une fois que t’ouvres les vannes, t’as pu aucun contrôle.

Ensuite vient le moment de l’accouchement. Celui où tu réchauffes un lit pas confortable dans la salle d’accueil avec juste un petit rideau qui te sépare de la parturiente d’à côté qui souffre autant que toi. T’es branchée de tous bords tous côtés pour ton monitoring, pour tes antibios contre le streptocoque pis pour un paquet d’autres choses que t’as pas vraiment acceptées, mais rendu là ton corps est définitivement pu le tien alors t’endures pis c’est toute.

Après avoir reçu l’épidurale, tu sens pu tes jambes pis on t’insère une sonde pour te vider la vessie. Pisser dans un sac faisait pas vraiment partie de ton plan de naissance, mais ton plan de naissance, t’as beau l’avoir bien rédigé, c’est rare que tu le sors pour le consulter passé ce stade-ci.

Pis là tu te mets à pousser. Tu entends le doc qui dit «On voit sa tête! Viens voir papa! Veux-tu toucher à ses petits cheveux?» Là, t’as comme un black-out. Pardon ? On peut-tu te demander ton avis avant d’offrir à quelqu’un et ce, même si ce quelqu’un est ton chum que tu adores (ou que tu détestes à ce moment précis), de venir se foutre un doigt dans ton intimité? Tu sais que t’as la vloune à l’air depuis deux heures pis que internes, externes, infirmières, gynécos, docs, anesthésistes et même le préposé qui vient porter le souper t’ont vu ça ben comme il faut, mais t’espères avoir encore un minimum de droit sur ton corps et pouvoir décider de qui se rentre les doigts là. Sauf qu’avant que t’aies pu dire quoi que ce soit, ton chum te regarde avec un teint légèrement vert, les doigts entre tes cuisses et te dis «Man! Y’a des cheveux notre bébé!». Pis toi, t’as juste le goût de lui arracher la tête!

Une fois le bébé et le placenta sortis, ton sac à pipi est plein, tes intraveineuses te font mal, t’as juste hâte qu’on te lâche un peu pour pouvoir commencer ce long cheminement de réappropriation de ton corps. Mais non. La spécialiste en allaitement vient accompagnée d’une infirmière pour te tapoter les seins. Elles te malaxent ça ben comme il faut pour en faire sortir trois gouttes de colostrum. Pis toi, t’as juste envie de les frapper. De les frapper bien fort.

Ensuite c’est bébé qui prend le relais. Il te réclame toutes les deux heures pour des bras ou pour du lait. Bref, ton corps n’est toujours pas le tien et ne le sera plus avant bien longtemps.

Mais ça finira bien par passer. Fais juste ton deuil pour un petit boute, fille.

Amy Bureau
AMY BUREAU
Crédit : Pop Paul-Catalin/Shutterstock.com

Amy Bureau

Maman de deux petites poules frisées de 2 mois et 3 ans, j'aime mes filles (surtout quand elles dorment!) qui m'en font voir de toutes les couleurs chaque jour. En plus de mon rôle de mère moins que parfaite, je suis également éducatrice spécialisée à temps plein auprès d'enfants et adultes aux prises avec une déficience intellectuelle et/ou un trouble du spectre de l'autisme. Je suis une folle au kodak qui prends des milliers de photos de sa progéniture, mon muffin top me colle au corps, j'ai un penchant marqué pour le chocolat et pour les siestes d'après-midi collée dans le cou plein de lait séché de ma petite dernière.

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