Il m’arrive souvent de me faire dire par les gens que je rencontre que c’est génial que j’ai fait ma famille jeune. Oui, il y a des avantages non négligeables comme le fait d’avoir plus d’énergie, de pouvoir courir et jouer à quatre pattes avec eux sans être hyper-raquée le lendemain et de, peut-être, pouvoir sortir dans les bars avec ma plus vieille un jour. C’est beau de croire aux licornes, t’sais.
C’est bien de faire sa famille jeune, c’est vrai. Mais parfois, certains jours, je me demande quand même si je ne l’ai pas faite un peu trop jeune, justement.
Quand j’écoute les autres raconter leurs histoires de voyages, de tournées des bars et de road trips, j’en viens parfois à les envier, envier leurs aventures et même leurs gueules de bois. J’envie leur réseau d’amis, parce ce qu’il faut se le dire : nourrir ses amitiés, c’est beaucoup plus facile sans enfants. J’envie aussi leurs histoires de dates car les miennes tiendraient sur un timbre-poste. J’envie les carrières qui ont pris leur envol depuis plusieurs années. J’envie ceux qui sont restés plus longtemps chez leurs parents et qui ont pris le temps d’économiser avant de se retrouver avec plein de factures sur les bras. J’envie la liberté qu’ils ont eux, ou plutôt celles qui ont fait ce choix.
Parfois, j’essaie d’imaginer ce qu’aurait été ma vie si j’avais décidé d’attendre, ne serait-ce que deux ou trois ans. Quelles études j’aurais entreprises? Quels voyages j’aurais faits? Quels mecs j’aurais rencontrés? Quelles histoires, plus drôles que celle de ma fille qui étend sa matière fécale sur le mur, j’aurais eues à raconter? J’essaie d’imaginer comment j’aurais dépensé mon argent dans les boutiques juste pour moi et non pour les enfants. Comment c’est de vivre avec son homme quelques années, juste « nous deux »?
Parce que c’est quand on a des responsabilités qu’on se rend compte qu’on était bien quand on en avait pas.
Et oui, ces jours-là, je suis mélancolique, triste et franchement pas facile à vivre. Je regarde en arrière et je suis triste de ne pas avoir profité de ma jeunesse. Mais ça, on le sait toujours trop tard.
C’est facile de regretter le passé. Trop facile.
Puis je me tourne vers mes enfants. Je vois leur visage s’illuminer simplement parce que je leur souris. Un sourire qu’ils me rendent au centuple. Et c’est là, que je respire un grand coup. Je reprends mes esprits en me disant que si j’avais changé ne serait-ce qu’une petite chose dans mon passé, mes enfants ne seraient pas mes enfants. Je les aime avec leurs qualités et leurs défauts, leur générosité et leurs accès de colère, je les aime tout court. Et même si parfois j’ai le goût d’abandonner, ils sont ma raison de vivre.
Je vivrai cette liberté tant convoitée dans quelques années, lorsqu’ils seront grands. Peut-être accepteront-ils de venir prendre un verre avec leur jeune mère ?
Et ce jour-là, une autre maman quelque part regrettera peut-être de ne pas avoir eu ses enfants plus jeune.
AUDRÉANNE LANDRY |
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