Quand tu es né et que j’ai pu t’admirer pour la toute première fois, encore toute abasourdie par la tempête des événements ayant précédé ta naissance, tu n’étais pas semblable au bébé potelé que j’imaginais pendant ces long mois d’attente. J’ai été attendrie et un peu apeurée de te voir si frêle, si maigre, si fragile. Tu avais l’air d’un petit animal aux grands yeux sombres et étonnés. Tu avais l’air du plus joli et du plus vulnérable petit ouistiti de la planète, qui reposait tendrement sur ma poitrine. Tu étais probablement aussi hébété que moi par ce qui venait de se produire. Mon instinct m’a dicté qu’il fallait prendre soin de toi, te protéger, te nourrir pour te donner des forces et te permettre de grandir.
Et c’est ce qui s’est passé. Au fil des semaines, tu as tellement changé que j’en ai eu le vertige. Tu poussais et tu te remplumais à vue d’œil. Je renouvelais ta garde-robe une fois par mois. Tu t’es mis à me sourire. À attraper des objets. À ramper. Peu après ton premier anniversaire, tu t’es mis à trotter. Puis à parler de plus en plus. Je ne réalisais pas vraiment que la grande aventure ne faisait que commencer, que les changements allaient continuer à s’opérer pendant de longues années encore. Mon instinct maternel s’est petit à petit transformé en amour immense, en amour infini, qui semblait ne plus jamais vouloir s’arrêter de grandir.
Je suis devenue maman du jour au lendemain. Mais l’amour maternel que je te porte s’est développé et a grandi en même temps que toi. Peu à peu, j’ai compris. Un peu effrayée par l’immensité de ce sentiment nouveau pour moi, j’ai réalisé que c’était exactement le même que mes parents m’avaient porté, et portent encore à mon égard. J’ai pris conscience de l’asymétrie des liens d’affection qui unissent parents et enfants. Je chéris mes parents du plus profond de mon cœur. Mais je ne les aime pas comme j’aime mes enfants.
Non, tu ne m’aimeras jamais comme je t’aime. Tu vas continuer à grandir et à me confronter sans pitié au temps qui passe inexorablement. Viendra un jour où tu ne voudras plus que je vienne t’embrasser dans ton lit le soir. Viendra un jour où tu n’auras plus envie d’être vu en ma compagnie aux abords de l’école. Viendra un jour où tu te moqueras de moi avec tes frères et sœurs. Viendra un jour où les vacances en famille deviendront un supplice. Tu te feras tes propres opinions, tu apprendras à voler de tes propres ailes. Tu remettras en question mes principes d’éducation. Tu quitteras le foyer familial et tu te frotteras aux délices de la jeunesse et de la vie qu’on croque à pleines dents. Tu feras des tas de rencontres passionnantes. Tu auras soif d’apprendre et de faire la fête. En plein cœur de cette tornade d’indépendance et de liberté, ta famille, tes parents, ta maman, ne seront plus qu’au second plan. Par devoir, par sentiment d’obligation, tu répondras parfois à mes coups de fil de maman esseulée, parfois à mes invitations des dimanches à midi.
Un jour peut-être viendra où tu auras des enfants à ton tour.
Et tu les aimeras comme jamais tu ne m’as aimée.
Ce texte me touche profondément. J’ai deux enfants maintenant adultes 22 et 24 ans. Ce texte confirme ce que je ressens i.e. que mon amour pour mes enfants est totalement différent de celui que je porte envers mes parents. Ça me soulage de constater que je ne suis pas la seule. Au cours de 5 dernière années tous les deux ont quitté la villw pour les études. Pendant 5ans je pleurais quand ils partait après des vacances scolaires. Le pire c’était l’été car les vacances étaient plus longues donc la coupure tellement difficile. J’en avais pour quelques jours à me remettre. Jamais je me suis habitué. Heureusement les études sont terminées cette année et j’ai l’immense bonheur qu’ils soient revenu demeurer dans la ville.
Merci pour ce beau texte ?