C’est pas de ta faute. Je ne t’en veux pas. Dans le temps, mon père m’appelait parfois « sans-génie » avec son sourire moqueur et je trouvais ça donc ben pas fin. C’est sûrement pour ça que je ne t’appellerai jamais de même. Même si je comprends maintenant ce qu’il voulait dire.
Quand je te regarde répéter les mêmes erreurs 9376 fois, je comprends. Je saisis un peu plus chaque jour, avec mon lot de soupirs, que ton cerveau ne roule pas encore à la vitesse grand V. Que tu ne peux physiologiquement-mentalement-développementalement pas mesurer les conséquences de tes actions, mon p’tit quatre pommes-et-quart. Simplement parce que ton lobe frontal n’est définitivement pas à son apogée.
Quand je te demande le pourquoi-du-comment-que-t’as-fait-ça-donc, tu me regardes avec une moue déconfite et le regard on ne peut plus vide. Car tu n’en as vraisemblablement pas la moindre idée. Tu mords, tu frappes, tu bottes. Tu as zéro empathie et c’est tout à fait normal. Au centre de ton univers trône ton minuscule toi-même et tes énormes frustrations.
Quand tu attends que je hausse le ton pour réagir à ma consigne que j’ai répétée déjà cinq fois et que tu oses avoir l’air surpris, je me questionne. Tu faisais la sourde oreille? Tu attendais de voir si j’allais arrêter de dire ladite consigne? Tu croyais que j’allais tout bonnement oublier ce que je voulais te demander? Mais non. Toi, tu oublies. Tu oublies que maman peut se fâcher et te faire sursauter. Maman elle, n’oublie pas.
Quand tu laisses la porte d’entrée entrouverte en mon absence, mon grand, parce que tu as peur, ce n’est pas très logique non plus. Lorsqu’on a peur, nous les humains, on ferme les portes parce que les gros méchants, c’est par ces mêmes portes-là qu’ils entrent. Pas que je veuille te faire peur, mais on n’est jamais trop prudents. Cette même règle s’applique quand tu quittes la maison après moi tu sais.
Quand je t’envoie réfléchir cinq grosses minutes après un de tes coups pendables, tu me prouves une fois de plus que je perds un tantinet mon temps. Tu n’as aucune idée de ce qui t’es passé par la tête avant de poser le geste fatidique. Tu n’en as aucune idée pour la simple et bonne raison qu’il ne t’est rien passé par la tête. RIEN.du.tout.
La zone frontale de ton cerveau, celle qui mesure la portée de tes gestes, c’est de l’inconnu pour toi. Cette zone-là, elle n’existe pas. Pas pour l’instant. Mais, je te le répète, ce n’est pas de ta faute. Paraît-il qu’il faut attendre jusqu’à dix-huit ans… parfois davantage.
De mon côté, je vais tenter, moi l’adulte-au-lot-de-patience-limité, de m’en servir un peu plus souvent, de cette fameuse zone frontale.
Mais on va faire un deal, toi et moi. Tu vas me pardonner si j’oublie, d’accord?
LYSIANE BEAUBIEN |
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