J’ai un gros secret à te confesser. Un secret que personne ne connaît. Et personne autour de nous ne s’en rend compte ou ne le sait.
Tu ne t’en rends pas compte, mais depuis ta naissance, je tente tant bien que mal de te protéger.
Discrètement, je guette chacune des personnes qui croisent ta vie. En douce, je te questionne sur qui sont tes amis.
Quand tu étais toute petite, lorsqu’il arrivait le moment du dodo ou du bain, je m’assurais que tu ne restes seule avec ton papa plus de cinq ou dix minutes. S’il y avait un silence prolongé, je passais voir si tout allait bien. Je sais bien que c’est épouvantable et que tu as un père extraordinaire mais quelque chose, bien ancré en moi, me poussait à le faire. Je me disais que si ma mère avait fait de même, je ne serais sûrement pas blessée comme je le suis aujourd’hui. Je ne verrais pas la vie à travers les yeux de l’enfant que j’étais, victime d’inceste.
Lorsque tu pars dormir ailleurs, je m’assure que je connais bien les adultes qui t’entoureront, leurs invités et je prends connaissance de l’endroit où tu dormiras. Je te pose, dès ton retour et innocemment pour toi, plein de questions et je guette tes émotions sur ton visage. Si je vois un jour que tu reviens de quelque part et que tu sembles inconfortable, je te promets que je m’assurerai que rien ne te soit arrivé.
Je sais épier les autres mieux que quiconque, je vérifie leurs dires, j’analyse leur comportement. Je m’adoucis en vieillissant, et comme tu vieillis, je fais de plus en plus confiance à la vie mais je ne le pourrai jamais totalement.
Je surveille discrètement tes oncles aussi, ton grand-père et les pères de tes amies. Je n’aurai sûrement jamais pleinement confiance en eux. J’ai trop peur de me dire un jour que je ne les ai pas soupçonnés alors que j’aurais dû le faire et d’amèrement le regretter.
Jamais je ne ferai ma vie avec un homme violent. Même rien qu’une fois. Même par accident. Et jamais je ne pourrai tolérer un pédophile dans mon entourage. Quand il s’agit de te protéger, je n’ai aucune pitié.
J’ai été ouverte et franche avec toi. Tu connais mon passé. Je te l’ai bien expliqué, lui, et surtout les dommages que cela a causés. Les cicatrices que mon histoire a laissées sur mon coeur et dans ma tête. Je t’ai aussi bien expliqué comment te protéger et je t’ai dit que je serais toujours disponible si tu avais des choses à me dire. Que je t’écouterais et surtout, que je te croirais.
C’est pourquoi je guette les autres, je suis sur mes gardes et je m’attarde lorsque je vais te reconduire chez un nouvel ami. Même si tu as onze ans.
Je ne veux pas être mère poule ou contrôler ce que tu fais. Non. Je suis tes moindres gestes et tes émotions parce que je veux m’assurer que tu es bien protégée et t’éviter, un jour, d’avoir à vivre un abus sexuel. Parce que tu sais, ma fille, que plus de trois filles sur cinq en connaîtront un dans leur vie. Et je ne veux pas que tu fasses partie de ces statistiques. Je te veux forte, sûre de toi. Et je ne veux pas que tu aies à te reconstruire plus tard.
Je veux aussi gagner contre cette grande injustice de la vie qui a fait plusieurs victimes dans notre famille.
Je veux être fière d’avoir rempli le mandat le plus important d’une mère, celui de protéger son enfant de tous sévices, quels qu’ils soient.
C’est pourquoi, ma chérie, ta mère sera toujours derrière toi à te protéger. Que tu le veuilles ou non. Ce sera toujours plus fort que moi.
Ne m’en veut pas et rappelle-toi que je le fais par amour pour toi.
Maman xxx
LA COLLABORATRICE DANS L’OMBRE |
Merci pour ce beau témoignage, je me reconnais dans chacun de vos mots, dans chacun de vos gestes envers votre fille. Je fais pareil.
Merci